Vatican II : l'Eglise fait son update
1 L’espoir d’un aggiornamento
C’est l’heure de notre chronique de
catéchèse. Frère Paul Adrien, vous nous proposez une catéchèse sur le Concile
Vatican II
L’Eglise Catholique est un état de
droit et pour établir ce droit, l’Eglise se dote de textes constitutionnels. Le
dernier en date nous vient du IIe concile œcuménique du Vatican, abrégé en Vatican
II. C’est le XXIe concile de l’Eglise catholique, ouvert par le pape Jean XXIII
en 1962, à peine trois mois après son élection, à la surprise générale, et achevé
par Paul VI en 1965. Suite à la demande d’un ou deux auditeurs, et comme c’est
toujours un plaisir d’avoir des demandes, nous nous penchons dessus cette
semaine.
Commençons à nous pencher sur Vatican
II en le remettant dans le contexte du XIXe et XXe siècle. Car ce sont de ces
deux siècles, vécus comme une période de repli, que l’Eglise avec ce concile,
veut sortir, faire une mise à jour, un « aggiornamento » pour
reprendre le terme d’alors. Le XIXe siècle avait marqué l’Eglise : les
critiques des intellectuels et de la presse, les lois de séparation de l’Eglise
et de l’Etat avaient entraîné l’Eglise à se penser comme une contre-société.
Evitons les caricatures. Cette contre-société n’était pas sans grandeur. Les
laïcs s’engagent en masse. L’élan missionnaire est puissant. La hiérarchie
cléricale est assumée. La papauté prend
son essor. D’ailleurs, les moyens de communication modernes lui donnent une
nouvelle scène médiatique. C’est ainsi que l’on aboutit au concile Vatican I
(1870) qui définit le dogme de l’infaillibilité pontificale et de
l’assomption.
Mais ce repli devient problématique.
C’est la crise dite moderniste, que Pie IX a essayé de conjurer maladroitement
avec le Syllabus de 1854, mais qui se poursuit début du XXe. Comment croire
encore dans la Bible avec tout ce que l’archéologie a découvert ? Et,
là-dessus, le XXe apporte ses propres défis : l’avènement de ce qu’on a
appelé la société de bien-être qui suscite optimisme et inquiétude. Certes, l’Eglise
se réjouit des nouvelles conditions de vie mais découvre des peuples entiers enclins
au matérialisme. Et quelle place donner
à l’effervescence intellectuelle que l’Eglise connaît après-guerre ? (de
Lubac, Congar, etc). Et puis, de manière moins évidente, d’autres problèmes commencent
à se faire sentir : désaffection des fidèles, crise des vocations.
La place des laïcs, l’effort
intellectuel, la liturgie, le rapport avec la modernité et la société de
consommation. Tout ceci se retrouvera dans Vatican II, qui entend redonner un
cap à l’Eglise et la faire passer d’un siècle à l’autre.
Merci Frère Paul Adrien pour cet
enseignement sur le concile Vatican II. Nous nous penchons demain sur le
déroulement proprement dit du Concile.
2. Les deux premières séances
C’est l’heure de notre chronique de
catéchèse et nous nous penchons cette semaine sur le concile Vatican II. Nous
avons commencé hier par parler du contexte. Nous continuons avec son
déroulement.
Le
concile Vatican II, inauguré en 1962, s’est terminé en 1965. Vatican II, c’est
4 sessions préparées par des experts, pour chaque session plus de 2300 pères. Et
le plus simple pour s’imprégner de l’esprit de Vatican II, c’est de décrire le
déroulement de chaque session.
La
première session s’ouvre avec un discours du pape, Gaudet Mater Ecclesia.
Dans ce discours, Jean XXIII affirme vouloir refuser le pessimisme et réformer
l’Eglise : lui faire annoncer l’Evangile dans un monde moderne, une
annonce faite d’espérance et de Pentecôte. La première session du concile de
1962 aura pour tâche de mettre cet état d’esprit au cœur du concile. La curie
avait déjà préparé des brouillons (des schémas) et, pour beaucoup d’experts, le
concile avait simplement à les ratifier. Mais l’assemblée conciliaire va exprimer
sa souveraineté sur les travaux préparatoires et vouloir les moderniser. Elle
accepte le schéma sur la liturgie, qui autorisait plus de souplesse
(participation des fidèles, langues vernaculaires, inculturation, etc). Mais en
refuse d’autres. Par exemple, elle refuse le schéma qui traitait des sources de
la révélation. Le schéma est jugé réactionnaire. Entendez, trop pris dans une
logique de contre-réforme. L’heure n’est plus à combattre les protestants, mais
à exprimer de manière sereine la foi catholique. Plutôt que des deux sources de
la révélation (la Bible et la tradition), on parlera d’une unique prédication
apostolique, qui continue encore, et qui nous transmet l’Evangile via la Bible
et la Tradition. De la même manière, le schéma sur l’Eglise est refusé :
trop triomphaliste, juridique et clérical.
Aucun
texte n’est promulgué dans cette première session, mais la voie de
l’aggiornamento est prise. La deuxième session est convoquée en 1963, par un nouveau
pape Paul VI. Jean XXIII est mort. Paul VI donne comme priorité au concile
l’écriture du texte consacré à l’Eglise. Dans ce texte, le chapitre consacré au
peuple de Dieu vient maintenant avant la hiérarchie. Tout un symbole. La collégialité
entre le pape et les évêques est mise en avant. Le diaconat permanent rétabli.
Le texte n’est pas encore fini, mais bien avancé. La session s’achève en
promulguant les deux premiers textes du concile, l’un sur les moyens de
communication sociale, l’autre sur la liturgie (Sacrosanctum concilium), dont
nous avons dit les enjeux.
A
la fin de la session, Paul VI part en pèlerinage à Jérusalem. C’est une double
nouveauté. C’est la première fois depuis Pie VII qu’un pape sort d’Italie et
qu’il rencontre un patriarche orthodoxe. Celui de Constantinople,
Athénagoras.
Merci frère Paul Adrien pour cette
catéchèse sur le concile. Et à demain pour la suite !
3. Les deux dernières séances
C’est l’heure de notre chronique de
catéchèse. Nous continuons l’exploration de notre Eglise avec le fr. Paul
Adrien et nous étudions cette semaine le concile Vatican II.
Vatican
II, c’est 4 sessions préparées par des experts, avec, pour chaque session plus
de 2300 pères. Nous avons parlé des deux premières, nous parlons maintenant des
deux dernières.
La
troisième session s’ouvre en 1964. Paul VI encourage la réforme liturgique voulue
par le concile et donne l’exemple en concélébrant. Mais, au cours de cette
troisième session vont éclater les tensions. Premier point débattu, la
collégialité des évêques : revaloriser le rôle des évêques, est-ce
dévaloriser le rôle du pape ? Une minorité commence à faire valoir ses
craintes. Deuxième point débattu : la liberté religieuse. Reconnaître aux
adversaires de l’Eglise le droit de faire une propagande antichrétienne,
n’est-ce pas nier les droits de la vérité ? Autre point : les
déclarations d’amitié de l’Eglise envers les juifs et les non-chrétiens, minimisent-elle
leur appel à la conversion ? et enfin : l’optimisme qu’affiche Vatican II dans
ses relations avec le monde contemporain est-il compatible avec le réalisme de
la croix ?
C’est
au cours de ce que l’on appelle « la semaine noire » que les tensions
accumulées vont exploser. Afin de rallier la minorité au Concile, le pape Paul
VI propose de modifier les textes. Mais ces propositions n’ont pas été
débattues par les pères qui les découvrent peu avant les séances de votes et
qui se rebiffent. Il faudra beaucoup de patience pour finalement arriver à
promulguer deux textes majeurs du concile : Lumen Gentium et Unitatis
redintegratio. Le premier, sur
l’Eglise, souligne l’importance du mystère de la Trinité et de la participation
active de tous à leur rang, les évêques comme les laïcs. Le deuxième texte, sur
l’œcuménisme, souhaite mettre fin au scandale de la division et chercher
l’unité.
La
quatrième session de 1965 fut la plus éprouvante. Il n’y aura pas de 5eme
session et le concile doit maintenant finir d’écrire les textes. Dont acte. Parmi
tous ces textes, retenez Gaudium et Spes. C’est la première constitution
pastorale de l’histoire de l’Eglise. Comment l’Eglise doit entrer en dialogue
avec le monde contemporain. Mais c’est au pape Paul VI que nous laissons le
soin de résumer l’esprit de ce concile. Je vous cite sa déclaration finale.
« Sympathie pour l’homme de ce temps. La règle de notre concile a été
avant tout la charité. Et qui pourrait accuser le concile de manquer d’esprit
religieux et de fidélité à l’Evangile pour avoir choisi cette orientation de
base, si l’on se rappelle que c’est le Christ lui-même qui nous a appris à
regarder l’amour pour les frères comme signe distinctif à ses disciples ? »
Merci Frère Paul Adrien. Rappelons
pour ceux qui le souhaiteraient que votre chronique est disponible sur votre
chaîne YouTube. Je vous dis à demain.
4. Les grands textes
C’est l’heure de notre chronique de
catéchèse et le frère Paul Adrien nous propose de réfléchir ensemble sur le
concile Vatican II
Le
concile Vatican II, inauguré en 1962, s’est terminé en 1965. Nous avons parlé
des 4 sessions du concile, cela nous a permis d’entrer dans son esprit. Nous
parlons maintenant du document Vatican II. Car pour beaucoup d’entre nous,
Vatican II, c’est d’abord un livre de près d’un millier de pages. C’est
pourquoi j’ai voulu insister sur les débats. Pour rendre ce livre vivant. Mais
il est temps maintenant de nous pencher dessus. Les bonnes éditions sont
bilingues car c’est le latin qui fait autorité, et vous avez aussi des tables analytiques
pour vous y retrouver. On y recense 16 documents classés par ordre d’importance :
d’abord 4 constitutions, des textes de la plus haute autorité et où
l’infaillibilité est engagée, puis 9 décrets, textes importants et qui, de la
part des catholiques, exigent une pleine adhésion (mais où l’infaillibilité
n’est pas engagée). Puis 3 déclarations pour clarifier et engager l’autorité de
l’Eglise sur des points précis.
Je
commence avec les constitutions, les textes fondamentaux. Je redis brièvement
leurs enjeux. Lumen Gentium décrit l’Eglise, le mystère de la Trinité en
son sein et la participation active de chacun à son rang, des évêques comme des
laïcs. Dei Verbum traite de la révélation. Une unique révélation et une
unique tradition, prenant deux formes, écrite et orale. Sacrosanctum
Concilium parle de la liturgie, son importance et sa nécessaire inculturation,
et enfin Gaudium et Spes, qui décrit comment l’Eglise veut entrer en
dialogue avec le monde.
Passons
aux 9 décrets. Le décret Christus Dominus. Un document assez « technique
» qui vise à redéfinir le rôle des évêques, des conférences d’évêques, des
synodes, etc. Le décret Presbyterorum Ordinis décrit le style de prêtres
voulu par le concile, et Optatam Totuis ce que doit être leur formation.
Pour décrire la réforme des ordres religieux, vous avez le décret Perfectae
Caritatis. L'apostolat des laïcs est
valorisé dans le décret Apostolicam Actositatem. L'activité missionnaire
de l’Église est traitée dans Ad Gentes. Les rapports avec les Églises
orientales catholiques dans Orientalium Ecclesiarum, l’œcuménisme dans Unitatis
Redintegratio. Et enfint les moyens de communication sociale dans Inter
Mirifica.
Je
vous l’accorde, c’est un peu fastidieux, mais que voulez-vous, comprendre Vatican
II, c’est comprendre sa table des matières… Et on finit avec les déclarations. Sur
l’éducation chrétienne, vous avez Gravissimum Educationis. La déclaration
Nostra Aetate rappelle que l’amitié et le respect doivent caractériser
le dialogue interreligieux. La liberté religieuse est reconnue dans Dignitatis
Humanae.
Merci frère. Nous vous disons à
demain pour un dernier épisode sur le concile Vatican II. En attendant, je vous
souhaite un bon appétit frère.
5. La réception de Vatican II
C’est l’heure de notre chronique de
catéchèse et le frère Paul Adrien nous propose de réfléchir ensemble sur le concile
Vatican II
Nous
avons parlé de l’origine du concile, de son déroulement et du document final.
Reste à étudier comment il a été reçu. Les fruits les plus beaux et les plus
visibles du concile sont, à mes yeux, la liturgie vernaculaire, la responsabilisation
des laïcs, l’œcuménisme, l’organisation collégiale de l’Eglise et le primat de la
Bibe.
Mais
certains aspects sont ambigus. Sont-ils liés à ce concile ? Dans un
formulaire sur l’après concile, les évêques dénoncent une pauvreté liturgique,
un subjectivisme accru en matière de morale et de dogme, la tentation de jouer
la carte du peuple de Dieu contre la hiérarchie cléricale. Ce sont ces
ambiguïtés qui expliquent en partie le schisme de Monseigneur Lefebre. Pour
lui, c’est d’abord le refus de la liberté religieuse accordée par le concile, et
qui lui semblait aller contre la tradition. Mais pour ses fidèles, c’était
surtout l’attachement au latin. 26% des catholiques pratiquants français se
disaient proches des idées de l’évêque réfractaire.
Et
puis, il y a le contexte plus large de la révolution sociale qui s’opère dans
les années 60 et 70 et qui va influer sur la réception du concile. Les remises
en question s’adressent contre toute forme d’autorité institutionnelle : contre
l’état, l’école, aussi l’Eglise. Mais ces remises en question de l’Eglise ont
ceci de particulier qu’elles vont être relayées de l’intérieur de l’Eglise par
une élite utilisant Vatican II pour légitimer ses propres doutes. « Depuis
que le pape a déposé sa tiare au Concile, innombrables sont ceux qui paraissent
croire qu’elle leur est tombée sur la tête. Chacun semble s’être découvert une
vocation de Docteur de l’Eglise », écrit un grand théologien d’alors, Louis
Bouyer. La désertion des prêtres, la critique ouverte d’Humanae Vitae
sur la question de la contraception, les réformes liturgiques violentes.
Ecoutez
le pape du concile, Paul VI. « On croyait qu’après le concile se serait
levé un jour de soleil pour l’Eglise. Au contraire, c’est une journée de nuages
qui est venue, de tempête, d’obscurité, de recherche, d’incertitude ». A
tel point qu’il a fallu que le pape Benoît XVI explique comment recevoir
Vatican II. Car il y a deux manières de recevoir Vatican II, soit vous insister
sur la nouveauté de ce concile pour l’opposer au reste de la tradition. Ce que
Benoît XIV appelle l’herméneutique de la discontinuité et qu’il rejette. Soit vous
insistez sur la continuité qui unissent les conciles entre eux. Ce qu’il
encourage. Et je termine sur une opinion personnelle. Je pense que c’est là le
principal enjeu de notre génération : redécouvrir une tradition que l’on
ne nous a pas transmises et la lire à la lumière de Vatican II.
Merci frère. La semaine prochaine,
un nouvel épisode de Théologie et Pop corn. En attendant, vous pouvez retrouver
cette chronique sur la chaîne YouTube du frère Paul Adrien.
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