Le Notre Père


Le Notre Père dans la Bible




Cette semaine, nous nous penchons sur la prière du Notre Père.

Le Notre Père est la grande prière des chrétiens, le modèle de toute notre vie spirituelle.  La raison en est simple : c’est le modèle que Jésus nous a donné. Je vous cite saint Luc : Il arriva que Jésus, en un certain lieu, était en prière. Quand il eut terminé, un de ses disciples lui demanda : « Seigneur, apprends-nous à prier, comme Jean le Baptiste, lui aussi, l’a appris à ses disciples. » Il leur répondit : « Quand vous priez, dites : Père, que ton nom soit sanctifié, etc.  

Les évangiles nous donnent deux versions de cette prière. Il y a la version longue et la version courte. La version courte se trouve chez saint Luc que je viens de citer : Père, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne. Donne-nous le pain dont nous avons besoin pour chaque jour. Pardonne-nous nos péchés, car nous-mêmes, nous pardonnons aussi à tous ceux qui ont des torts envers nous. Et ne nous laisse pas entrer en tentation. »

Il n’y a que quatre demandes chez saint Luc et vous avez dû sentir quelques nuances spirituelles différences. Non pas « pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi » mais « pardonne-nous nos offenses car nous aussi nous pardonnons ». C’est plus lumineux chez saint Luc, comme si la bataille était déjà gagnée. Le Notre Père est de plus assorti d’une promesse : Dieu écoutera votre prière, même si elle semble importune et venir à contre-temps. Quiconque demande reçoit, dit Jésus ; qui cherche trouve ; à qui frappe, on ouvrira.

La version longue du Notre Père se trouve chez saint Matthieu, au chapitre 6. C’est celle qui est devenue la prière officielle que vous connaissez. Je ne vous la redis pas. Vous la connaissez par coeur. Mais, notez que la doxologie finale que l’on parfois : « car c’est à toi qu’appartiennent le règne, la puissance et la gloire » n’appartient pas au texte biblique. C’est un ajout liturgique qui remonte à l’Eglise du Ier siècle. Cette coutume perdure : généralement, on ne dit pas cette doxologie lors de la prière personnelle, mais on la dit à la messe.

 Chez saint Matthieu, la prière du Notre Père est incluse dans un majestueux discours. Ce que l’on appelle « le sermon sur la montagne ». Ce discours de Jésus est considéré par les pères de l’Eglise comme le résumé parfait de la religion chrétienne. En quelques minutes, Jésus vous donne le chemin du ciel. Discours magnifique. Au centre de ce discours, Jésus rappelle les trois piliers de la pratique religieuse : le jeûne, l’aumône et l’ascèse. Et au centre du centre, Jésus vous donne le Notre Père, le joyau de ce discours. Ce qui veut dire que pour connaître le Notre Père, il faut aussi connaître ce discours, Matthieu 5 à 7. 

Et demain, nous continuerons en entrant dans les détails avec une analyse du vocabulaire du Notre Père.

Le vocabulaire


Nous avons commencé hier un topo sur la prière du Notre Père, entrons maintenant dans les détails du vocabulaire.

Le Notre Père est « la » prière des chrétiens. Reprenons- le dans l’ordre : Notre Père. Jésus disait Abba (c’est-à-dire Papa). Nous nous disons plus humblement Notre Père. Tous les croyants appellent Dieu leur père. Mais nous autres, chrétiens, nous l’appelons Père dans un sens spécial. Voici le commentaire de saint Jean Chrysostome. « Par ce nom seul de Père, nous proclamons le pardon de nos péchés, notre adoption, notre droit à l'héritage, la fraternité qui nous unit au Fils unique, et l'effusion de l'Esprit saint dans nos âmes, car personne ne peut appeler Dieu son Père, s'il n'est en possession de tous ces biens. »

Notre Père qui es aux cieux. Qui es, aux cieux. Deuxième personne du singulier. Le ciel est le lieu où Dieu habite. Non pas les nuages, mais la lumière inaccessible, la souveraine bonté et de la béatitude absolue. Le ciel, la béatitude, c’est le but de notre vie. Nous sommes faits pour le ciel. C’est notre patrie, l’endroit où notre Père nous attend. Que ton nom soit sanctifié. Le nom de Dieu, c’est Dieu dans son mystère, mystère qui nous est révélé et qui nous permet de l’invoquer. Sanctifié, cela veut dire consacré, consacré au sens de la consécration religieuse. Que ton nom soit sanctifié, cela veut dire : « Que nous soyons consacrés à ton mystère que tu as révélé en nous ». C’est plus que du respect, c’est une consécration personnelle. La suite est sans difficulté. Que ton règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel.

Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour. Le terme grec derrière, « epiousios », est un terme ambigu. Le plus simple est de citer le CEC. « Pris dans un sens temporel, il est une reprise pédagogique de aujourd’hui pour nous confirmer dans une confiance sans réserve. Pris au sens qualitatif, il signifie … tout bien suffisant pour la subsistance. Pris à la lettre (épiousios : " sur-essentiel "), il désigne directement le Pain de Vie, le Corps du Christ... sans lequel nous n’avons pas la Vie en nous. Enfin, lié au précédent, le sens céleste est évident : ce Jour est celui du Seigneur, celui du Festin du Royaume... »

Pardonne-nous nos offenses. Littéralement, remets-nous nos dettes. Le terme dette est plus large que offenses. Il peut y avoir des dettes qui ne sont pas des péchés, mais péché capture l’essentiel de la signification spirituelle de ce mot. Ne nous laisse pas entrer en tentation. C’est la nouvelle traduction, plus littérale que l’ancienne « ne nous soumets pas à la tentation ». Avec cette prière, nous avons l’assurance que nous ne serons pas tenté au-delà de nos forces et que nos épreuves nous sont utiles pour affermir notre foi car Dieu veut notre victoire.  Délivre du Mal. Avec un M majuscule. Poneros en grec. Le mauvais, le diable. Délivre-nous du malin. Vous voyez qu’il y avait quand même des choses à dire et à apprendre sur le Notre Père.

Merci frère Paul Adrien et à demain !

 Structure du Notre Père


Nous avons commencé cette semaine un topo sur le Notre Père, entrons maintenant dans les détails du vocabulaire.

Je vous propose maintenant de nous pencher sur la structure interne du Notre Père. Car les demandes ne sont pas disposées au petit bonheur la chance et le Notre Père n’est pas une juxtaposition de 8 demandes prises au hasard. Pour le mettre en évidence, regardons au milieu. Que ton règne vienne sur la terre comme au ciel. Ou, plus exactement, comme porte le latin « sicut in caelo et in terra ». Le ciel d’abord, la terre ensuite. Que ta volonté soit faite au ciel comme sur terre. Saint Jean Chrysostome, un père de l’Eglise, disait que ceci pouvait s’étendre à toutes les premières formules. Que ton nom soit sanctifié au ciel comme sur terre. Que ton règne vienne au ciel comme sur terre. Que ta volonté soit faite au ciel comme sur terre.

Je vous dis cela car cela met en évidence la structure du Notre Père. Au début, on parle du ciel. Notre Père qui es au ciel.  Puis on passe tranquillement du ciel à la terre à la fin de la troisième demande : Que ta volonté soit faite au ciel comme sur terre. Puis on reste sur la terre avec la question du pain quotidien. Puis le mal. Pardonne-nous nos offenses. On descend alors progressivement de la terre à l’enfer, là où le malin règne. Délivre-nous du Mal. Souvenez-vous, le Mal dans le texte grec du Notre Père, c’est le Malin. Délivre-nous de Satan.

Au total, le Notre Père est structuré autour d’un mouvement descendant : le ciel, la terre et l’enfer. On pense à la phrase de saint Paul dans la lettre aux Philippiens : « Afin qu'au nom de Jésus tout genou fléchisse dans les cieux, sur la terre et sous la terre. » Ce mouvement reprend celui de l’incarnation : Dieu qui se fait homme, qui meurt pour nous, qui descend aux enfers pour ensuite ressusciter. Le mouvement de la résurrection n’est pas mentionné dans la prière, mais la doxologie que l’on récite à la messe le suggère : « car c’est à toi qu’appartiennent le règne la puissance et la gloire pour les siècles des siècles ». Le Notre Père décrit l’action de Dieu le Père qui accompagne l’incarnation de son Fils

Rentrons un peu plus dans les détails. Les trois premières demandes s’adressent à Dieu et concernent Dieu. Elles sont en forme passive. Que ton nom soit sanctifié. Que ton règne vienne. Que ta volonté soit faite. Ces demandent sont célestes. Notre Père qui est au ciel. Les quatre dernières, elles, s’adressent à Dieu mais concerne l’homme marqué par ses besoins terrestres et sa nature déchue. On est sur terre. Donne-nous notre pain de ce jour. Pardonne-nous, ne nous laisse pas entrer en tentation mais délivre-nous du Mal. Les demandes passent par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel si l’on veut et passent de la couleur la plus aérienne à la couleur la plus grave. Le mouvement est lent et majestueux. C’est un chef d’œuvre de composition.

Merci frère Paul Adrien et à demain !

Les 7 demandes


Nous avons commencé cette semaine un topo sur la prière du Notre Père, entrons maintenant dans chaque demande.

Continuons notre analyse du Notre Père. Le cœur de cette prière, ce sont les 7 demandes. 7, le chiffre de la perfection. On dit que le Notre Père continent en germe toutes les prières que l’on peut adresser à Dieu. Mais, la chose est moins connue, on peut aussi mettre ces 7 demandes en lien avec les 7 vertus. La foi, l’espérance, la charité, la justice, le courage, la pureté, le discernement. Je vous redonne le lien. Voyons cela de plus près…

On distingue trois vertus dites théologales, car ces vertus nous viennent directement de Dieu. La foi, l’espérance et la charité. Ce sont trois qualités spirituelles que le Notre Père nous fait demander. Car on peut les mettre en lien avec les trois premières demandes célestes. Que ton nom soit sanctifié. C’est la foi. Le lien est assez évident : avoir la foi, c’est donner son cœur à Dieu, se consacrer à son mystère telle que la révélation chrétienne nous l’a fait connaître. Que nous soyons consacrés par la foi au mystère de Dieu. Que ton règne vienne. C’est l’espérance. Adveniat regnum tuum en latin. Que ton règne advienne. C’est le même mot que l’on retrouve dans « l’avent ». C’est l’espérance du ciel à venir. Troisième demande céleste. Que ta volonté soit faite. C’est la charité. Car aimer quelqu’un d’un amour gratuit et bienveillant, cela veut dire vouloir son bien, vouloir ce qu’il désire. Le servir et lui obéir par amour.

Après ces trois vertus théologales, on distingue quatre vertus cardinales, que tout homme, et pas seulement les chrétiens, doivent pratiquer. La justice, la pureté, le discernement, le courage. On les met en lien avec les quatre demandes terrestres du Notre Père. Donne-nous notre pain de ce jour. C’est le discernement. Le lien n’est pas évident entre cette demande et la vertu. Mais si on se souvient que le Notre Père est pris dans le sermon sur la montagne, on comprend mieux le rapport. A propos de nourriture, Jésus dit : « Cherchez le royaume des cieux et sa justice et tout le reste vous sera donné de surcroît ». Nourriture, boisson et vêtement. La meilleure façon de demander à Dieu notre pain de ce jour est de le lui demander pour avoir la force de poursuivre son règne.

Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensé. C’est la vertu de justice. Le lien est évident. Ne nous laisse pas entrer en tentation. C’est la vertu de pureté. La tempérance en latin. Être tempéré, être pur, cela veut dire savoir gérer ses pulsions, ses émotions, son imagination. Car force est de reconnaître que c’est bien souvent par là que nous sommes tentés. Délivre-nous du mal. C’est la vertu de force. Bref, le Notre Père contient un programme moral précis et fait demander à Dieu de nous aider à pratiquer les vertus !

Merci frère Paul Adrien et à demain !

L'esprit du Notre Père


Nous avons commencé hier un topo sur la prière du Notre Père, entrons maintenant dans chaque demande.

Nous terminons en nous penchant sur une question : comment prier le Notre Père ? Interrogeons pour cela Jésus. Jésus attire notre attention sur une demande en particulier. Le pardon des offenses. Tout de suite après avoir donné le Notre Père, Jésus dans l’évangile selon saint Matthieu ajoute : Car, si vous pardonnez aux hommes leurs fautes, votre Père céleste vous pardonnera aussi. Mais si vous ne pardonnez pas aux hommes, votre Père non plus ne pardonnera pas vos fautes. Cette remarque trouve un écho dans la parabole du serviteur impitoyable qui finit en enfer. C’est ainsi, dit Jésus, que vous finirez si vous ne pardonnez pas du fond de votre cœur à votre frère. La première chose à cultiver dans le Notre Père est donc un esprit de miséricorde.

Le deuxième chose à cultiver est un esprit de sincérité de secret, par opposition à l’hypocrisie. Prier le Notre Père est un acte mystérieux, une prière personnelle qui vise à nous établir dans l’intimité de Dieu et de sa présence. Il ne s’agit pas d’un culte social et extérieur. Juste avant de donner le Notre Père, Jésus prévient : quand vous priez, ne soyez pas comme les hypocrites : ils aiment à se tenir debout dans les synagogues et aux carrefours pour bien se montrer aux hommes quand ils prient. Amen, je vous le déclare : ceux-là ont reçu leur récompense. Mais toi, quand tu pries, retire-toi dans ta pièce la plus retirée, ferme la porte, et prie ton Père qui est présent dans le secret ; ton Père qui voit dans le secret te le rendra. Fin de citation. On le voit. Il s’agit de cultiver le mystère de Dieu dans la solitude et l’humble adoration de sa transcendance céleste.

Troisième état d’esprit : la foi, par opposition au rite. Bien sûr, on peut dire et redire des prières. Par exemple, le chapelet, où l’on récite 50 Je vous Salue Marie. Mais le fait de les multiplier est là pour nous permettre de passer plus de temps avec Dieu. Ou encore, à force de redire des Je Vous Salue Marie, on veut permettre à notre cœur de suivre enfin ce que dit notre bouche. Ce n’est pas la quantité qui compte. C’est le désir passé en vérité avec Dieu. C’est pour cela que, avant de donner le Notre Père, Jésus continue en nous prévenant : Lorsque vous priez, ne rabâchez pas comme les païens : ils s’imaginent qu’à force de paroles ils seront exaucés. Ne les imitez donc pas, car votre Père sait de quoi vous avez besoin, avant même que vous l’ayez demandé. Saint Augustin commente en disant que la prière n’a pas pour but de faire plier la volonté de Dieu à la nôtre. La volonté de Dieu est immuable et éternelle. La prière a pour but de nous faire découvrir la volonté de Dieu et de faire plier notre volonté à la sienne. Mais si nous le faisons avec foi, nous avons l’assurance d’être exaucé. Si vous priez avec foi, dit Jésus, vous direz à cette montagne va-t’en d’ici et elle le fera. 

Merci frère Paul Adrien et à la semaine prochaine pour une chronique de cinéma et de théologie !

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