Le célibat des prêtres : des profondeurs de nos coeurs


1 La thèse du livre


C’est l’heure de notre chronique de catéchèse. Frère Paul Adrien, vous nous parlez cette semaine du célibat des prêtres.

La question aurait été posée du plus profond de l’Amazonie : « Pourquoi ne pas ordonner des hommes mariés ? ». Au milieu de ce qui est devenu un débat public, sort le livre du Cardinal Sara, coécrit, signé, relu (on ne sait plus quoi dire) par le pape émérite Benoît XVI. « Des profondeurs de notre cœur » dit le titre. Le débat est dans le débat. Benoit XVI avait- il le droit d’intervenir ? Le cardinal a-t-il le droit de s’exprimer avec autant de conviction ? Le dicton le dit : si tu veux abattre ton chien, dis qu’il est fou. Ce qu’on appelle l’argument ad hominen. Plutôt que de scruter le discours, on scrute l’auteur. Nous ferons l’inverse dans cette chronique. Nous scruterons le livre plutôt que l’auteur, ses idées plus que la polémique.

Je commence avec l’affirmation centrale du livre. Selon les auteurs, il y aurait, je cite, un lien ontologique entre sacerdoce et célibat. L’affirmation revient souvent (9 fois). Affirmation est intéressante car ambigüe. Qu’on me pardonne de commencer par une ambiguïté. Mais, voyez-vous, comme c’est une affirmation qui nous plonge au cœur du débat, elle nous oblige à clarifier les termes. Ontologique est un terme philosophique qui exprime une nécessité absolue. Une nécessité d’ordre métaphysique. Or, dira-t-on, et l’on aura raison, le lien qui unité célibat et sacerdoce n’est pas absolue. Cela obligerait à dire que les messes dites par les prêtres catholiques mariés de rite oriental ne sont pas valides. Ce qui est faux, tout le monde s’accorde à le dire. Même le cardinal Sara le dit.

Alors reformulons. Un principe d’argumentation en philosophie est le principe de la charité. Cela consiste à interpréter la thèse que l’on discute de la manière la plus favorable. Si nous reprenons ce principe, on doit remplacer ontologique par « existentiel ». La thèse du livre devient :  entre célibat et sacerdoce, il y a un lien existentiel (c’est-à-dire fort et profond, vécu du plus profond des cœurs, pour reprendre le titre du livre). Cette interprétation, en nuançant le débat, le recentre sur la question de fond, celle de la convenance du célibat de prêtres.

Les arguments de convenance sont très importants en théologie. Ils consistent à dire que certaines choses sont, non pas absolument nécessaires, mais pédagogiquement nécessaires. Il n’était pas absolument nécessaire que le Fils s’incarne pour nous sauver. Il aurait pu le faire autrement. Mais, d’un point de vue existentiel, il fallait que Jésus s’incarne. C’était ce qui convenait le mieux, ce qui était le plus pédagogique. De la même manière, pour les auteurs, le célibat est le moyen le plus pédagogique et le plus profond de vivre le sacerdoce. L’argument de convenance est un argument très fort en théologie. Reste à voir comment les auteurs le justifient.

Merci Frère Paul Adrien, et à demain pour la suite.

2 Le célibat, en continuité avec la Bible


C’est l’heure de notre chronique de catéchèse et nous nous penchons cette semaine sur le livre du cardinal Sara.

La première partie de ce livre sur le célibat des prêtres est écrite par Benoît XVI. Elle vise à situer bibliquement le célibat des prêtres. Notons que cette partie biblique ne cite aucun verset excluant de manière définitive le mariage des prêtres. Et pour une bonne raison, il n’y en a pas. Par contre, cette partie biblique suggère que le célibat des prêtres permet d’avoir une lecture plus puissante de la Bible, car elle unifie beaucoup de versets.

Pour ce faire, Benoît XVI remonte l’origine du sacerdoce jusque dans l’Ancien Testament. Les prêtres devaient alors se marier. Le sacerdoce était confié de manière héréditaire à la tribu de Lévi et il fallait qu’elle se perpétue. Cela explique probablement pourquoi, note Benoit XIV, il n’avait pas de prêtres parmi les apôtres. Non pas par rejet du culte (comme chez les esséniens) mais parce que les apôtres n’appartenaient pas à la tribu de Lévi

Mais voilà, à lire attentivement les évangiles, on s’aperçoit qu’à travers la purification du temple, à travers la sainte cène, à travers la prière dit sacerdotale, Jésus prépare un nouveau culte, un culte « éternel » dit la lettre aux Hébreux. Qui dit nouveau culte, dit nouveau clergé. Et, il semble qu’un clergé chrétien commence à apparaître dans les Actes des Apôtres. Techniquement parlant, ce clergé est présenté non comme un sacerdoce mais comme une responsabilité pastorale. Les mots de prêtres, évêques et diacres apparaissent déjà sans que l’on sache trop ce qu’il y a derrière. Mais, une hiérarchie est suggérée. Et, au moment où est écrit ce Nouveau Testament, la liturgie de l’Eglise de la fin du Ier siècle explicite cette hiérarchie chrétienne dans un sens sacerdotal. Le clergé chrétien est chargé d’offrir le sacrifice eucharistique et la tripartition évêques, prêtres et diacre est calquée sur la tripartition du clergé juif grand prêtre, prêtres, lévites.

Mais alors, où va résider la discontinuité entre le clergé juif et le clergé chrétien ? Ce sera dans la notion de consécration. Un prêtre doit être consacré s’il veut lui-même pouvoir consacrer des offrandes. Dans l’Ancien Testament, la consécration des prêtres était fondée sur l’appartenance à la tribu du Lévi. Dorénavant, ce sera l’appel de Jésus. Ce qu’on appelle la vocation. Car il en appelle à tout quitter (Luc 5), et même certains à ne pas se marier (Mt 19 :12). Le lien entre appel et sacerdoce n’est pas explicitée dans la Bible, et l’appel à tout quitter est plus large que l’appel à la prêtrise mais les deux vont bien ensemble. Et pour preuve, les prêtres de l’Ancien Testament devaient déjà s’abstenir de relations sexuelles pendant le temps de leur service (1 Sm 21). Cette abstinence est reprise dans le nouveau clergé, mais de manière tellement plus radicale, « existentiel », que l’on peut parler de rupture. C’est le célibat des prêtres.

Merci frère Paul Adrien et à demain !

3 La discipline de L’Eglise antique


C’est l’heure de notre chronique de catéchèse et nous nous penchons cette semaine sur le livre du cardinal Sara.

Nous avons parlé de la première partie du livre sur le Célibat des prêtres. Cette partie, écrite par Benoît XVI, interprète bibliquement le célibat des prêtres. Attention, il s’agit d’une interprétation, non d’une preuve. Car il n’y a pas de preuve biblique du célibat des prêtres. D’un côté, saint Pierre est marié, de l’autre, saint Paul est célibataire. Et à ce propos, Benoît XVI n’en parle pas, et c’est dommage, il y a ce fameux verset de Paul (1 Co 9 :15) : « N'avons-nous pas le droit de mener avec nous une femme soeur, comme font les autres apôtres, et les frères du Seigneur, et Pierre ? » L’exégèse de ce verset est obscure : femme peut signifier ici épouse ou femme. Et sœur peut désigner le fait de croire en Dieu, mais peut suggérer aussi une certaine abstinence.

La question serait de savoir si l’on peut offrir une interprétation biblique aussi puissante du mariage des prêtres. Mais il nous faut aborder la deuxième partie du livre, écrite par le cardinal Sara. Cette partie reprend des arguments actuels. Commençons par le premier contre argument. Le plus fréquent. Aux premiers temps de l’Eglise, entend-t-on, les prêtres pouvaient se marier. Je vous cite la réponse du Cardinal, que je trouve très rigoureuse.

« Dès le IVe siècle, la nécessité de la continence pour les prêtres est rappelée par les conciles. Il nous faut être précis. De nombreux hommes mariés ont été ordonnés prêtres lors du premier millénaire. Mais à compter de leur ordination, ils étaient tenus à l’abstinence de relations sexuelles avec leurs épouses. »

« Ce point est régulièrement rappelé par les conciles qui s’appuient sur une tradition reçue des apôtres. Est-il pensable que l’Église ait pu introduire brutalement cette discipline de la continence cléricale sans susciter un tollé … ? Une telle nouveauté aurait été insupportable. Or les historiens soulignent l’absence de protestations lorsque le concile d’Elvire, au tout début du IVe siècle, décida d’exclure de l’état clérical les évêques, les prêtres et les diacres suspectés d’entretenir des relations sexuelles avec leurs épouses. Le fait qu’une décision si exigeante ne suscita pas d’opposition prouve que la loi de la continence des clercs n’était pas une nouveauté. L’Église sortait à peine de la période des persécutions. Un de ses premiers soins était de rappeler une règle qui avait peut-être subi quelques entorses dans la tourmente de l’ère des martyrs, mais qui était déjà bien établie ». Fin de citation. Ici, le cardinal a un point. Justifier le célibat par une référence à la tradition des premiers siècles est une erreur. Vous pouvez le justifier si vous voulez, mais pas comme cela.

Merci Frère Paul Adrien. Rappelons pour ceux qui le souhaiteraient que votre chronique est disponible sur votre chaîne YouTube. Je vous dis à demain.

4 Le clergé oriental


C’est l’heure de notre chronique de catéchèse et le frère Paul Adrien nous propose de réfléchir ensemble sur le livre du cardinal Sara « Des profondeurs de nos cœurs ».

Abordons un nouvel argument en faveur du mariage des prêtres : « Il y a des prêtres mariés chez les chrétiens orientaux (les catholiques maronites par exemple) et leurs sacrements sont valides ». Tout le monde est d’accord là-dessus. Même le cardinal Sara.  Mais je trouve sa réponse piquante. Elle me fait penser à ces prises de judo, où vous utiliser la force de votre adversaire pour le mettre à terre. Pour le dire autrement, le cardinal Sara renverse l’attaque. La vraie question n’est pas « Pourquoi la tradition catholique latine refuse d’évoluer ? » mais « Comment les traditions orientales parviennent-elles à justifier le mariage des prêtres ? ». Ecoutez-le plutôt. Je cite.

« On pourrait arguer que l’Orient chrétien connaît depuis toujours cette situation et que cela ne pose pas de problème. Cela est faux. L’Orient chrétien a admis tardivement que les hommes mariés devenus prêtres puissent avoir des relations sexuelles avec leurs épouses. Cette discipline a été introduite au concile in Trullo en 691. La nouveauté est apparue à la suite d’une erreur dans la transcription des canons du concile qui s’était tenu à Carthage en 390. La grande innovation de ce concile du VIIe siècle n’est d’ailleurs pas la disparition de la continence sacerdotale mais sa limitation aux périodes qui précèdent les célébrations liturgiques ». Fin de citation.

Ce ne serait donc pas à la tradition latine de se justifier, mais aux traditions orientales de le faire ! D’un point de vue intellectuel, la réponse consiste à demander « à qui incombe la charge de la preuve ? ». Réponse inattendue et piquante. J’aimera entendre la réponse du clergé oriental…

J’en profite pour ouvrir une parenthèse. Ces phrases du cardinal tendent à prouver que le célibat des prêtres est essentiel. Non pas pour la Bible (la Bible suggère mais n’impose pas) mais pour le rite romain. Et j’insiste ici sur le mot « romain ». D’autres rites existent et, étant sauves les questions de pédagogie pastorale, de spiritualité sacerdotale et de proximité avec la Bible, renoncer au célibat serait théoriquement possible. Mais à quel prix ? Depuis Vatican II, on a assisté à l’émergence d’un nouveau rite romain : on est passé d’une forme latine (qualifiée d’extraordinaire) à une forme vernaculaire (qualifiée d’ordinaire). La langue a changé, les chants, les gestes et les prières ont changé. Mais si le célibat des prêtres reste, cela voudra dire qu’on aura enfin atteint au bout de 50 ans ce que l’on estime être le principe de continuité du rite romain, à savoir la consécration existentielle du prêtre, et que cette continuité perdure par-delà les formes ordinaires ou extraordinaires du rite romain.

Merci Frère Paul Adrien pour votre lecture de ce livre. Nous vous retrouvons demain.

5 Et caetera


C’est l’heure de notre chronique de catéchèse et le frère Paul Adrien nous propose de réfléchir ensemble sur le livre du cardinal Sara « Des profondeurs de nos cœurs ».

Nous terminons notre lecture de ce livre sur le Célibat des prêtres. J’ai passé beaucoup de temps sur la Bible, l’antiquité chrétienne et les questions de rites. Cela me paraît être les principaux arguments. Résumons la pensée du cardinal Sara : la possibilité d’être prêtre et marié doit être reconnue, oui, mais à titre d’exception transitoire visant à faciliter l’évolution d’un rite vers le célibat consacré.

Pour le cardinal, il y a d’ailleurs d’autres justifications. D’abord la spiritualité sacerdotale. Être prêtre, c’est vouloir vivre à la manière du Christ prêtre qui, non seulement à offert le sacrifice, mais s’est offert lui-même en sacrifice. L’amour de Dieu peut saisir une personne et l’entraîner dans une radicalité bouleversante. Et son célibat devient à la fois un témoignage et un rempart contre une double tentation, celle de rechercher la sagesse sans la folie de la croix, celle de réduire l’Eglise à une entreprise humaine.  

Il y a aussi des justifications pastorales. Le mariage des prêtres ne changera pas la crise des vocations, dont le fondement est, selon le pape François, un manque de ferveur religieuse. D’ailleurs les protestants connaissent les mêmes difficultés. De plus, pour un prêtre marié, le lien conjugal est premier par rapport au lien pastoral. A qui obéit-t-il ? à son évêque ou à sa femme ? pourra-t-on le muter ? que fera-t-on avec des prêtres mariés et divorcés qu’il y aura ? Je rajoute la question de l’argent, parce qu’il faudra que le prêtre puisse payer les études de ses enfants. Au moins, qu’il ne soit prêtre que le week-end. Et ne risque-t-on pas de voir se développer, comme c’est parait-il le cas dans les églises orientales, un clergé à double vitesse ? Je cite : « Nombreux sont les fidèles qui ne se confesseront jamais à un homme marié. Le sensus fidei (la foi intuitive et populaire) fait discerner chez les croyants une forme d’incomplétude dans le clergé qui ne vit pas un célibat consacré ».

Le cardinal poursuit en rappelant que valoriser le célibat des prêtres, ce n’est ni dévaloriser ni la sexualité, ni le mariage ni le rôle de la femme. Ce qui est vrai. Je note quand même deux points qui me paraissent faibles : le passage sur l’impossibilité des femmes diacres, les diaconesses, me paraît insuffisamment fondé (le cardinal ne cite pas ses sources). De plus, l’état de vie religieux n’est pas mentionné dans le livre. Quelle est la spécificité de la vocation religieuse (qui concerne les hommes et les femmes) par rapport à la vocation sacerdotale ? Terminons en rappelant que, pour beaucoup de prêtres qui ont l’impression que leur vie est remise en question, ce livre se veut un encouragement. Et moi, je vous encourage à le lire.

Merci Frère Paul Adrien, et je vous dis à lundi pour un nouvel épisode de Théologie et Pop Corn.

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