L'Antichrist : une figure oubliée ?

1. L'antichrist, une catéchèse pontificale

C’est l’heure de notre chronique de catéchèse. Frère Paul Adrien, vous nous proposez une catéchèse sur un sujet inhabituel et qui concerne la fin des temps.

Je voudrai vous parler d’une figure biblique dont on n’entend pas beaucoup parler. Suite à une chronique faite sur RCF sur la dernière série de Netflix, Messiah, un auditeur m’a demandé si je pouvais consacrer un peu de temps à expliquer la figure de l’Antichrist. Comme c’est un plaisir d’avoir des suggestions de la part d’auditeurs, je lui dédicace cette chronique.

Je commence par vous citer plusieurs papes. D’abord, Pie X, en 1903, dans son encyclique E supremi, à propos de l’évolution de l’histoire moderne. Je cite : «Qui pèse ces choses a droit de craindre qu'une telle perversion des esprits ne soit le commencement des maux annoncés pour la fin des temps et comme leur prise de contact avec la terre, et que véritablement "le fils de perdition" dont parle l'Apôtre n'ait déjà fait son avènement parmi nous. Si grande est l'audace et si grande la rage avec lesquelles on se rue partout à l'attaque de la religion, on bat en brèche les dogmes de la foi, on tend d'un effort obstiné à anéantir tout rapport de l'homme avec la Divinité ! En revanche, et c'est là, au dire du même Apôtre, le caractère propre de l'Antéchrist, l'homme, avec une témérité sans nom, a usurpé la place du Créateur en s'élevant "au-dessus de tout ce qui porte le nom de Dieu. C'est à tel point que, impuissant à éteindre complètement en soi la notion, de Dieu, il secoue cependant le joug de sa majesté, et se dédie à lui-même le monde visible en guise de temple, où il prétend recevoir les adorations de ses semblables. Il siège dans le temple de Dieu, où il se montre comme s'il était Dieu lui-même" »

On peut dire que le ton est suranné. Mais, plus proche de nous, j’aurai pu aussi citer Pie IX, Jean Paul II ou même Benoit XVI. Mais c’est le pape François que je vais citer. Ou plutôt, l’Osservatore Romano résumant une méditation du pape à propos d’une lettre de saint Jean. « … Soyez attentifs, ne prêtez pas foi à tous les esprits, mais mettez à l’épreuve les esprits, pour sonder s’ils proviennent vraiment de Dieu ». C’est précisément « la règle de vie quotidienne que nous enseigne Saint Jean ». Voilà « ce que veut dire mettre à l’épreuve : cela veut dire “sonder” ». Car « le verbe sonder » est le plus approprié pour vérifier « si ce que je sens vient de Dieu, de l’esprit qui me fait demeurer en Dieu, ou s’il vient de l’autre ». L’Osservatore continue. À la question « qui est l’autre ? », la réponse du pape François est nette : « L’antéchrist ».

Merci Frère Paul Adrien pour cet enseignement sur la figure de l’Antichrist. Nous vous retrouvons demain pour continuer cet enseignement.  

2. L'antichrist, dans les lettres de saint Jean

C’est l’heure de notre chronique de catéchèse et nous nous penchons cette semaine sur la figure de l’Antichrist. Nous avons commencé hier par citer des papes. Nous continuons avec la Bible.

Je commence par une question : Pourquoi les paroles de ces papes à propos de l’antéchrist que vous ai citées la dernière fois sont-elles à prendre au sérieux ? Parce qu’il s’agit de parole de papes ? Evidemment, oui, mais on peut être plus précis. C’est parce que, en fait, ces papes reprennent la parole de Dieu, la Bible ! Car c’est la Bible qui nous avertit de la venue d’un antichrist. Par exemple, quand le pape François parlait de l’antéchrist, il faisait en fait références aux lettres de saint Jean qui se trouve dans le Nouveau Testament.

Oui, l’antéchrist, l’évangile en parle, saint Paul en parle, Et saint Jean en parle dans ses lettes. C’est d’ailleurs de ses lettres que provient le terme d’Antichrist (1 Jn 2 :18). Christ : celui qui est oint. Anti, à la place de. L’Antichrist, c’est celui qui ressemblera au christ par un onction spirituelle. Mais cette onction spirituelle ne sera pas celle du Saint Esprit, mais celle de Satan.  

Penchons-nous sur ce que nous dit saint Jean sur cet anti-christ. Il nous apprend que tous les chrétiens à l’époque de la première église étaient au courant de la venue d’un Antéchrist. Tout le monde le savait.  "Vous avez entendu dire que l'Antéchrist vient" (1 Jean 2:18). "Voici l'Antéchrist, dont vous avez appris qu'il vient" (1 Jean 4: 3). Saint Jean nous apprend même qu’il y aura plusieurs Antichrists, mais que, à la fin du monde, la figure de l’antichrist culminera dans un homme unique (1 Jean 2:18). Saint Jean nous dit de plus que cet ou ces antéchrists sont d’anciens chrétiens (1 Jean 2:19). Qu’ils ont apostasié et préféré mentir plutôt que de reconnaître le Fils :(1 Jean 2:22). Je cite encore "Car beaucoup de séducteurs sont sortis dans le monde. Qui ne confesse pas que Jésus-Christ est venu dans la chair est un séducteur et un antichrist" (2 Jean 7). C’était d’ailleurs ce passage de saint Jean que le pape commentait dans la méditation que je vous ai citée la dernière fois. Enfin, l’Antichrist est sera un signe de la fin de temps, de "la dernière heure" (1 Jean 2:18), et que pourtant, cet antéchrist «est maintenant déjà dans le monde» (1 Jean 4: 3).

Des lettres de saint Jean, on peut passer à l’apocalypse qui lui est attribuée. Tout le monde s’accorde aussi à dire que l’Antéchrist y est mentionné. Personne ne sait où exactement : la "bête" du chapitre 11, celle du chapitre 13 ? Satan qui s’est évadé de sa prison au chapitre 20 ? le "dragon rouge" du chapitre 12 ? L’opinion la plus probable est de le voir dans la figure de la bête à deux cornes, qui ressemble à un agneau mais qui parle comme un dragon (13:11, sqq.).

Merci frère Paul Adrien pour cette catéchèse sur les 4 évangiles. Et à demain pour la suite !

3. L'homme de l'iniquité chez saint Paul

C’est l’heure de notre chronique de catéchèse. Nous continuons notre exploration biblique avec le fr. Paul Adrien à propos d’une figure énigmatique : l’antichrist.

Nous avons parlé de saint Jean et de ses écrits. C’est de lui que vient le terme « antichrist », mais il n’est pas le seul auteur biblique a en parler. En réalité, de nombreux commentateurs croient que cet enseignement de saint Jean concernant l’antichrist trouve en réalité son origine dans des écrits de saint Paul, et plus précisément dans la 2eme lettre aux Thessaloniciens chapitre 2. 

Dans l'église de Thessalonique, des troubles avaient éclatés parce que beaucoup croyaient la seconde venue de Jésus-Christ imminente. C'est dans le but de remédier à ces troubles que saint Paul a écrit sa deuxième épître aux Thessaloniciens, en insérant spécialement le chapitre 2. Il y parle d’un homme qualifié d’homme de l’iniquité. C’est lui que saint Jean aurait surnommé l’antichrist. Je cite.

 « Ne laissez personne vous égarer d’aucune manière. Car il faut que vienne d’abord l’apostasie, et que se révèle l’Homme de l’impiété, le fils de perdition, celui qui s’oppose, et qui s’élève contre tout ce que l’on nomme Dieu ou que l’on vénère, et qui va jusqu’à siéger dans le temple de Dieu en se faisant passer lui-même pour Dieu. Ne vous souvenez-vous pas que je vous en ai parlé quand j’étais encore chez vous ? Maintenant vous savez ce qui le retient, de sorte qu’il ne se révélera qu’au temps fixé pour lui. Car le mystère d’iniquité est déjà à l’œuvre ; il suffit que soit écarté celui qui le retient à présent. Alors sera révélé l’Impie, que le Seigneur Jésus supprimera par le souffle de sa bouche et fera disparaître par la manifestation de sa venue. La venue de l’Impie, elle, se fera par la force de Satan avec une grande puissance, des signes et des prodiges trompeurs, avec toute la séduction du mal, pour ceux qui se perdent du fait qu’ils n’ont pas accueilli l’amour de la vérité, ce qui les aurait sauvés. C’est pourquoi Dieu leur envoie une force d’égarement qui les fait croire au mensonge. »

C’est un passage très intriguant. Mais ce qu’il y a d’encore plus intriguant, c’est qu’il y a ici comme un écho au discours apocalyptique de Jésus. Car, dans la bouche de Jésus lui-même, on trouve des allusions à un paroxysme d’iniquité, précédant la fin du monde. Il nous dit que beaucoup de chrétiens apostasieront. « Alors, continue l’évangile, viendront des faux Christs et de faux prophètes » (Matthieu 24:24). Ces faux christs (littéralement pseudo christs) sont mentionnés au pluriel. Mais Jésus parle aussi de "l'abomination de la désolation", au singulier, une abomination assise dans le temple. On peut y voir une statue installée dans le temple. On peut aussi y voir cet homme d’iniquité dont parle saint Paul.

Merci Frère Paul Adrien. Rappelons pour ceux qui le souhaiteraient que votre chronique est disponible sur votre chaîne YouTube. Je vous dis à demain.

4 Une ou plusieurs personnes ?

C’est l’heure de notre chronique de catéchèse et le frère Paul Adrien nous propose de réfléchir ensemble sur la notion d’antichrist

A la demande d’un auditeur, nous nous penchons dans la chronique de cette semaine sur la figure de l’antichrist. Après être avoir étudié la Bible à ce sujet, clarifions une ou deux questions. Et d’abord : l’antichrist désigne-t-il une personne ou un groupe de personne ? Suarez, un très très grand théologien jésuite du XVIe siècle, recense les différentes opinions à ce sujet. Il conclut en disant que, pour la foi catholique, l’antichrist désigne une personne humaine, un homme au singulier. Ce ne sera pas le diable venu sur terre ou autre chose. Mais un homme.

Pour le montrer, Suarez étudie les citations bibliques que je vous ai donnés précédemment. Dans les lettres de saint Jean, le terme d’antichrist sert tantôt à désigner un individu précis, tantôt à désigner un individu générique. Par exemple, ce verset (1 Jean 2:18) « un anti-Christ, un adversaire du Christ, doit venir ; même s’il y a dès maintenant beaucoup d’anti-Christs ». Mais, l’interprétation la plus naturelle est de dire que les antichrists au pluriel, dont parle saint Jean, préfigurent la venue d’un antichrist ultime au singulier. De même, dans la 2eme lettre aux Thessaloniciens, lorsque saint Paul parle de l’homme de l’iniquité, aucun doute ne semble permis. Il doit revenir, s’asseoir, se révéler, etc.

Suarez continue en citant un grand nombre de père de l’Eglise. Pour la tradition catholique, l’antichrist est bien une personne humaine, réelle et unique. Si on suit les pères de l’Eglise, ce serait même un juif issu de la tribu de Dan, comme le suggère deux passages de la Bible : la malédiction de cette tribu en Gn 47 et son omission au paradis (Ap 7).

Toujours à propos de l’Antichrist, je vous cite la somme de théologie attribuée à saint Thomas d’Aquin, le docteur commun de l’Eglise catholique. C’est une des œuvres les plus importantes de la tradition catholique. Voici en quels termes il en parle : « l’antichrist est appelé la tête de tous les méchants, en raison de la perfection de sa malice. Aussi, à propos de cette parole (2 Th 2, 4) : "Il se présente comme s'il était Dieu", la Glose écrit-elle : "De même que dans le Christ habite la plénitude de la divinité, ainsi dans l'Anti-Christ se trouve la plénitude de toute malice." Certes, l'humanité de l'Anti-Christ ne doit pas être assumée par le diable dans l'unité de personne, comme l'a été l'humanité du Christ par le Fils de Dieu; mais le diable lui communiquera par suggestion sa malice plus qu'à tous les autres. Et c'est pourquoi tous les autres méchants qui l'ont précédé sont comme une image de l'Anti-Christ, selon cette parole de l'Apôtre (2 Th 2, 7) : "Dès maintenant le mystère de l'impiété est à l'oeuvre."

Merci Fr. Paul Adrien. Nous nous retrouvons demain pour le cinquième et dernière partie du Nouveau Testament.

5. La révélation de l'Antichrist

C’est l’heure de notre chronique de catéchèse et le frère Paul Adrien nous propose de nous pencher cette semaine sur une figure un peu particulière, celle de l’antichrist.

D’après la Bible, et plus particulièrement la 2eme lettre de saint Paul aux Thessaloniciens, que saint Jean confirme dans sa première lettre, nous savons qu’un anti-christ doit venir, dans la puissance de Satan, qu’il sera un homme, multipliant les signes et la séduction et qu’il doit s’asseoir dans le temple pour être idolâtré. Evidemment, vous vous en doutez, l’interprétation de tous ces passages bibliques est floue. Un passage en particuliers est particulièrement obscur (2 Th 2,6-7). Je cite : « Maintenant vous savez ce qui retient cet homme, de sorte qu’il ne se révélera qu’au temps fixé pour lui. Car le mystère d’iniquité est déjà à l’œuvre ; il suffit que soit écarté celui qui le retient à présent ». Cela rejoint la parole de saint Jean disant que l’Antichrist est déjà présent.

Voici comment saint Thomas d’Aquin interprète ce passage : « De même que toutes les bonnes oeuvres et les vertus des saints, qui ont précédé le Christ, ont été la figure de Jésus-Christ, ainsi dans toutes les persécutions de l’Eglise, les persécuteurs ont été comme la figure de l’Antéchrist qui s’est caché en eux. Toute la malice donc, qui est cachée en eux, sera manifestée dans ce temps. »  C’est en ce sens que l’antichrist est déjà présent et qu’il doit encore se révéler.

Mais saint Paul parle aussi d’une personne qui retient l’Antichrist de se révéler. De qui s’agit-il ? On pensait alors que c’était l’empire romain qui devait être le rempart de l’Antichrist. Mais saint Thomas dit : « Mais comment cela serait-il vrai, puisque depuis longtemps déjà les nations se sont séparées de l’empire romain, sans toutefois que l’Antéchrist soit encore venu ? Il faut donc dire que l’empire romain n’a pas cessé encore, mais que de royaume temporel qu’il était, il est changé en royaume spirituel, comme le pape saint Léon l’a remarqué dans son sermon sur les Apôtres. Donc la séparation de l’empire romain doit être entendue, non pas seulement dans le sens temporel, mais dans le sens spirituel, c’est-à-dire de l’apostasie de la foi catholique dans l’Eglise romaine. »

Alors de qui s’agit-il ? Après avoir passé en revue toutes les possibilités et toutes les autorités, saint Thomas d’Aquin conclut : « saint Augustin avoue qu’il ne sait pas ce que l’Apôtre annonce aux Thessaloniciens et que pourtant ils connaissaient Il semble donc qu’il n’y avait pas grande nécessité à le savoir. » Il faut donc savoir avouer son ignorance… Mais cela me donne l’occasion de vous recommander saint Thomas et son commentaire de la 2eme lettre aux Thessaloniciens.

Merci frère. La semaine prochaine, un nouvel épisode de Théologie et Pop corn. En attendant, vous pouvez retrouver cette chronique sur la chaîne YouTube du frère Paul Adrien.

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