Les abus dans l'Eglise : la nuit du chasseur
1. Une parabole sur les abus
C’est l’heure de notre chronique
Théologie et Pop Corn. Frère Paul Adrien, de quel film nous parlez-vous cette
semaine ?
Un père de famille, assassine et vole
dix mille dollars. Il cache l'argent puis fait jurer à ses deux enfants de
garder le secret. Le père est arrêté et condamné à mort. En prison, son
compagnon de cellule est un prêcheur. Un prêcheur, fou et violent, joué par
Robert Mitchum, qui rêve de construire pour Dieu une chapelle. Il jure d’arracher
ces dix mille dollars de la main des enfants.
C’est la nuit du chasseur, un classique du cinéma. Il n’en a pas
l’air pourtant. Lorsqu’on le voit la première fois, on n’a pas l’impression
d’assister à la naissance du cinéma. Mais, le film reste dans l’esprit. Alors,
on le regarde à nouveau. La première fois, le film paraissait presque
grotesque. La deuxième fois, il devient effrayant. Et l’on comprend que ce film
fait peur, non pas à cause de son suspens ou de ses effets spéciaux, mais à
cause de ce qu’il raconte.
Car le film peut être vu comme une parabole.
Une parabole comme dans les évangiles. Une histoire en apparence anodine mais qui
parvient à faire voler en éclat les cadres étriqués d’une morale trop humaine. Dans
l’évangile, c’est la pédagogie de l’absurde qui permet à Jésus de faire voler
en éclat les cadres du conformisme. Une brebis perdue qui vaut plus que 99
autres. Ici, ce sont les codes du cinéma noir qui sont utilisés pour décrire un
mécanisme qu’on voudrait ne pas voir. La perversion à l’œuvre au sein de
l’Eglise. Et qui font voler en éclat une
façon trop naïve de voir l’Eglise.
Le film le fait de manière poétique.
Ce qui le rend d’autant plus intriguant. Le jeu d’éclairage est violent, et
alterne entre le noir et la lumière, la musique religieuse, l’innocence des
enfants, le jeu génial et terrifiant de Robert Mitchum, tout donne à ce film
l’apparence d’un conte surréaliste qui donne au mal la couleur du diable et au
bien la couleur de Dieu.
Car le film, écrit dans les années 50,
parle d’un prêcheur fou et violent qui s’en prend aux enfants. Regardez-le en
pensant aux scandales des prêtres pédophiles et des abus. Et je vous jure que
ce film vous ferra peur. Regardez l’oncle qui est au courant, mais qui préfère
fermer les yeux en buvant. Regardez la famille Spoon. D’une naïveté bigote au
début du film, mais qui devient à la fin ivre de rage et animée par une folie
meurtrière. On pense à tous ceux qui ont fermé les yeux sur les abus et puis se
réveillent 30 ans après pour réclamer justice, avec une rage d’autant plus
violente qu’elle a été trop longtemps différée.
Merci
frère Paul Adrien. On continue demain avec ce film. Nous nous pencherons sur la
figure du prêcheur.
2. La manipulation spirituelle
C’est l’heure de notre chronique
Théologie et Pop Corn. Frère Paul Adrien, vous nous parler cette semaine des
abus dans l’Eglise à travers un film des années 50. La nuit du chasseur. A vous
la parole.
Un prêcheur inquiétant poursuit dans
l'Amérique rurale deux enfants dont le père vient d'être condamné pour vol et
meurtre. Avant son incarcération, le père leur confie les dix mille dollars
volés, dont ils ne doivent révéler l'existence à personne. Pourchassés sans
pitié par ce pasteur psychopathe et abandonnés à eux-mêmes, les enfants se
lancent sur les routes. Joué admirablement par Robert Michum, le film et la
figure du prêcheur fou prend avec l’actualité de l’Eglise et le scandale des
abus sur mineurs une résonnance et une actualité inattendue.
Le prêcheur est un manipulateur. Et
il manipule en utilisant admirablement un code rhétorique de l’Eglise, en
justifiant tout par l’amour. Sur ses mains sont tatoués « amour » et
« haine ». Love and Hate. A l’aide d’une pantomime et de ses mains,
il offre aux chrétiens trop heureux de voir un pasteur sentimental une
catéchèse simplifiée et superficielle sur ce que raconte la Bible. Ce discours,
d’une certaine manière, le pasteur y croit. Et il est d’autant plus dangereux
qu’il est sincère et se pare du manteau de la mystique. Il voyage d’une Eglise
à l’autre, comme un pèlerin. Il parle directement à Dieu, qu’il tutoye. « C’est
une nouvelle religion fondée par Dieu et moi » dit-il en prison. On
n’entend pas Dieu lui répondre dans le film, mais nul doute que le prêcheur lui
l’aura entendu. C’est de Dieu qu’il a reçu son mandat, ce qui lui permet de se
sentir aux dessus des institutions et de ne pas avoir à se justifier.
Il connaît les hymnes, sait chanter,
il porte bien l’habit. Et surtout il cite la Bible. A tout bout de champ. Mais
il choisit ces citations et ce n’est pas l’esprit de l’évangile qui
respire dans ses citations. Il justifie ses meurtres par les exemples de
l’Ancien Testament. Il veut voler, mais c’est pour construire une église. Il
couvre ses propres vices de mensonges et d’hypocrisie. Il justifie la violence
de sa condamnation par la haine du vice. Il n’hésite pas lui-même à voler. Il
condamne la luxure, mais n’hésite pas à regarder les femmes. Double vie, double
discours.
Au total, le prêcheur citer la Bible
comme, avant lui, le diable au désert. On le voit séduire, grogner, japper,
frapper, hurler. L’éclairage violent du fim est tout en contraste, son habit est
noir. On voit ce prêcheur roder dans le noir. Sa perversion a des connotations ténébreuses
et c’est le Diable que l’on respire à travers lui. C’est d’ailleurs là que le
film est beau, car il appelle le mal mal et le bien bien. D’un point de vue
moral, il est transparent.
Et nous
continuons demain avec la figure des parents.
3. La démission des parents
C’est l’heure de notre chronique
Théologie et Pop Corn. Frère Paul Adrien, à vous la parole
Un père de famille, assassine et vole
dix mille dollars. Il cache l'argent puis fait jurer à ses deux enfants de
garder le secret. Le père est arrêté et condamné à mort. En prison, son
compagnon de cellule est un prêcheur. Un prêcheur, fou et violent qui se promet
d’arracher ces dix mille dollars de la main des enfants. La nuit du chasseur est un classique
du cinéma, un film noir du cinéma américain des années 50. Et nous utilisons ce
film pour réfléchir sur les mécanismes de corruption morale qui peuvent exister
dans l’Eglise. Nous nous penchons maintenant sur la figure des parents.
Le père tout d’abord. Celui-ci cache
l’argent dans la poupée de la fille, soi-disant pour leur assurer leur avenir. En
réalité, on s’aperçoit dans le film qu’il met ses enfants en danger. Car il charge
ses enfants d’une responsabilité morale qui les dépasse. 10 000 dollars
cachés. Ce secret renferme les enfants sur eux-mêmes et les amène à se méfier
de leur entourage. Le fait d’avoir vu son père arrêté traumatise le garçon et
fragilise la fille qui cherche un substitut paternel. Ils deviennent des
proies.
Et puis il y a la mère des enfants.
Elle cherche à refaire sa vie. Sa détresse affective lui fait chercher un
réconfort. Son entourage la pousse dans un sentimentalisme naïf. Elle épouse le
prêcheur. Ce remariage s’apparente à une démission. En lui donnant le statut
d’époux, elle a trouvé la solution à ses angoisses, et peut enfin fermer les
yeux. Car le prêcheur va bientôt la soumettre. La femme veut avoir des rapports
avec son mari. Celui-ci les lui refuse, et l’accuse d’impureté. Elle croit à
cette accusation et devient à ses propres yeux une femme pécheresse et
luxurieuse. Soumise spirituellement à son mari, on voit son équilibre psychique
basculer : elle finit par confesser ses péchés dans des sortes de prêches
hystériques, sous les acclamations de la foule qui voit en elle un exemple
spirituel. Car il y a de la folie et de la sainteté en elle.
Finalement, un jour par hasard, elle
découvre la vérité. Oui, le prêcheur en veut aux enfants pour l’argent. Mais il
est trop tard. Son cerveau a été lavé. Elle justifie cette perversion dans un
délire mystique, l’accepte dans un désir morbide de sainteté. Elle s’abandonne aux
mains de son mari qui la tue. Et lui livre par là ses enfants. Br… Cela fait
froid dans le dos. Rassurez-vous le film se termine bien.
Merci
frère Paul Adrien pour cette chronique. Ceux qui le souhaitent peuvent la
retrouver au format vidéo sur votre page YouTube.
4. L'espérance de sauver les victimes
C’est l’heure de retrouver le
frère Paul Adrien pour notre chronique Théologie et Pop Corn.
Nous nous penchons cette semaine sur
un classique du cinéma, La nuit du chasseur. Un prêcheur inquiétant poursuit
deux enfants dont le père vient d'être condamné pour vol et meurtre. Le film
prend avec le scandale des abus sur mineurs dans l’Eglise une résonnance et une
actualité inattendue.
Le film est étonnant
de sagesse et de lucidité. Il commence par une voix off qui dit que les
enfants, par leur fragilité et leur innocence, sont depuis toujours les grandes
victimes. Nous voudrions l’oublier, parce que nous sommes persuadés du progrès
de la société. Mais il y a des hommes mauvais dans le monde et ce film a le
mérite de nous le rappeler. Il cite même la Bible : « Méfiez-vous des
prophètes qui viennent à vous déguisés en brebis mais qui sont des loups
voraces à l’intérieur ». Car, oui, les loups existent dit Jésus, même dans
l’Eglise. Jésus dit même que, s’ils s’en prennent aux enfants, il faudrait
mieux les noyer. Luc 17 :2
Mais le film est aussi
étonnant d’espérance. Une espérance ouvertement assumée. La femme qui recueille
les enfants les guérit. Pour elle, si les enfants sont les grandes victimes des
pervers, ils ont en eux une force de vivre qui leur permet de surmonter leurs
épreuves. Pour prendre un langage moderne, le film a confiance dans leur capacité
de résilience. Oui, les abus les cassent et détruisent des vies. Mais ce n’est
pas minimiser les souffrances des enfants que de rappeler, comme le film le
fait, que nous pouvons avoir l’espoir de les guérir. Le film le met en image.
Le garçon avait été traumatisé par une situation qui le dépassait. A la fin, il
craque. Mais il choisit le bon moment pour craquer. Et parce qu’il a choisi la
bonne personne et le bon moment pour craquer, il est délivré de sa culpabilité
et de son traumatisme.
Et cette espérance, concerne
aussi l’Eglise que le film veut sauver. Le film décrit cette espérance,
justement à travers l’histoire de ses enfants. On les voit d’abord abandonnés
aux mains des hommes. Mais ils ne sont pas naïfs. Et ils fuient. On pense à tous
ces enfants chrétiens qui ont quitté l’Eglise pour sauver leur dignité. Dans le
film, Dieu prend alors le relais. A travers la barque et la descente du fleuve,
image de Moïse sauvé des eaux, les enfants sont symboliquement confiés à la
providence. Enfin, l’Eglise les recueille à nouveau. Mais c’est l’Eglise des
saints, cette fois-ci, à travers l’image de cette maîtresse femme, sévère et
bienveillante, lucide et miséricordieuse. Et qui prend soin des enfants.
Merci
frère Paul Adrien pour cette chronique. Rappelons à nos auditeurs qui le
souhaiteraient qu’ils peuvent retrouver cette chronique au format vidéo sur
votre chaîne YouTube. Il suffit de taper frère Paul Adrien sur YouTube.
5. Lutter contre les abus
Frère Paul Adrien, vous nous
parler cette semaine des abus dans l’Eglise à travers un film des années 50. A
vous la parole.
Un prêcheur inquiétant poursuit dans
l'Amérique rurale deux enfants dont le père vient d'être condamné. Avant son
incarcération, le père leur avait confié dix mille dollars. Ils ne doivent
révéler l'existence à personne. Pourchassés sans pitié par ce pasteur
psychopathe et abandonnés à eux-mêmes, les enfants se lancent sur les routes. La
nuit du chasseur est un classique du cinéma, un film noir du cinéma
américain des années 50. Et nous utilisons ce film pour réfléchir sur les
mécanismes de corruption morale qui peuvent exister dans l’Eglise.
Comment agir contre les scandales
dans l’Eglise ? La grande réponse que nous apportons en ce moment est :
la réforme de l’Eglise et des institutions. Une refonte du droit canonique. Un
système de prévention. Des portes vitrées et des normes pour accueillir les
enfants. Le film donne une conclusion différente. Il la donne à travers la
figure de cette sainte femme qui accueille les enfants à la fin du film. A
travers elle, le film suggère que c’est d’abord la sagesse et la lucidité des
personnes qui protège les enfants. Dans le film, une certaine sainteté est
première par rapport aux institutions. Les institutions suivent. Mais ils
suivent la femme. C’est la femme qui permet au prêcheur d’être arrêté par la
police et condamné par la justice.
La sainteté de cette femme est réelle.
Elle connaît la Bible, prie et aime les enfants. Mais sa sainteté n’est pas
douceureuse. Cette femme n’est pas commode. Elle n’hésite pas à reprendre les
enfants, et à leur mettre des claques. Nous sommes dans les années 50, mais on
ne peut s’empêcher de sourire car la scène est touchante. Cette femme est
lucide sur la condition humaine. Elle se méfie des cris de la foule, comme elle
se méfie des boniments du prêcheur. Et c’est cela qui lui permet d’être bonne
et bienveillante. Parce qu’elle est ferme au bon moment.
Bizarrement, elle connaît les chants
du prêcheur. Dans la confrontation finale, on la voit fredonner le même air que
lui à travers la fenêtre. Une connivence semble unir le prêcheur pervers et cette
sainte femme. Et cette connivence suggère que les deux personnages
appartiennent au même monde. Au même monde spirituel. Si le prêcheur est la
figure du Diable, cette femme est celle de la grâce. Dans la symbolique
chrétienne, l’image d’une mère affairée aux soins des enfants est la
représentation traditionnelle de la divine charité.
Merci
frère Paul Adrien pour cette chronique. Rappelons à nos auditeurs qui le
souhaiteraient que vous avez mis cette chronique sur votre chaîne YouTube.
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