Le Seigneur des anneaux et la vie communautaire
La mission communautaire
Et, tout de suite, nous retrouvons le frère Paul Adrien pour une
nouvelle chronique de cinéma.
Le
jeune et timide Hobbit, Frodon Sacquet, hérite d'un anneau. Et pas n’importe
quel anneau ! l'Anneau Unique, l’instrument de pouvoir absolu qui
permettrait enfin à Sauron, le Seigneur des ténèbres et du Mordor, de régner.
Il s’agit du Seigneur des Anneaux, un film réalisé par Peter Jackson, et inspiré
de l’œuvre classique d’un fervent catholique, Tolkien. Voici ce que disait ce
dernier : « Le Seigneur des Anneaux est bien sûr une œuvre
fondamentalement religieuse et Catholique ; inconsciemment au départ, mais
consciemment dans la révision... L’élément religieux est absorbé dans
l’histoire et le symbolisme.»
Et
ce qui me frappe, à regarder le Seigneur des Anneaux, c’est le thème récurrent de
la communauté. Alors que tant de films montrent des héros solitaires, et que
l’heure est aux exploits individuels, Tolkien a voulu raconter l’histoire d’une
communauté précise. La communauté de l’anneau. Elle est composée de 9 personnes
dont la mission est de détruire l’anneau maléfique. En centrant la saga sur
l’histoire d’une communauté, Tolkien rejoint le cœur du catholicisme. Pour nous
autres catholiques, la vie communautaire est la première mission de toute vie
authentiquement chrétienne. Car c’est dans la communauté que s’épanouit la vie
divine. Dans la bouche de Jésus, mission et vie commune sont quasiment
synonymes. Voilà la prière de Jésus : « Que tous soient un, Père,
comme toi en moi et moi en toi, afin que le monde croie que tu m’as
envoyé ». Et il dit encore : « Je vous donne un commandement nouveau,
aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. C’est à ceci que tous
reconnaîtront que vous êtes mes disciples. »
C’est
cette ferveur communautaire qui anime le combat des héros dans le Seigneur des
Anneaux. Comme Gandalf le dit: « Allons, allons, nous sommes tous amis
ici. Ou devrions l’être. Le rire du Mordor sera nous seule récompense si nous
nous querellons ». Car le Mordor, c’est la caricature de la communauté :
des serviteurs obéissants par peur, et ne cessant de se quereller. L’elf
Haladir le dit : "Rien ne manifeste plus sensiblement le pouvoir du
Seigneur des Ténèbres que dans cette perte de familiarité qui divise ceux qui
ont encore le courage de s’opposer à lui ». Comme dans la saga, la
première mission du disciple sera donc de cultiver la concorde, de l’utiliser
comme arme contre le mal, et de cultiver la vie commune par l’amitié. Une
amitié qui se manifeste dans le plaisir de vivre ensemble, dans la
convivialité, d’où les fêtes et les repas nombreux dans la saga. Mais aussi et
surtout dans cet amour de bienveillance fait de vertu et fidélité, dans l’amitié
jusqu’à la mort qu’il y a entre Sam et Frodon, les deux ambassadeurs de la communauté
de l’anneau. Comme le dit Gandalf, « Je crois qu'en cette affaire mieux
vaudrait se fier à leur amitié qu'à ma grande sagesse ». La simplicité de
l’amitié, la première mission de tout chrétien.
Et demain, nous découvrirons ensemble un autre aspect de ce film Le Seigneur
des Anneaux.
La catholicité
Frère Paul Adrien, vous parlez avec nous cette semaine de la communauté
chrétienne à travers une saga : le Seigneur des Anneaux. Théologie et pop
corn, c’est maintenant sur RCF.
Catholique
vient d’un mot grec, katholikos. Universel. Littéralement, selon le tout. La
communauté chrétienne est catholique dans ce double sens : elle est
ouverte à tous (elle est universelle) et chacun y remplit un rôle particulier
(une action selon le tout). De la même manière, la communauté que décrit
Tolkien dans le Seigneur des Anneaux est une communauté catholique.
L’universalité y est soulignée par l’existence d’un concile œcuménique. qui se
passe à Fondcombe. Des représentants de toutes races, langues, peuples et
nations sont conviés, des elfes, des nains, des hommes. Et fondent ensemble cette
communauté de l’anneau.
Mais
cette communauté est aussi catholique, car organisée « selon le
tout ». On songe à la comparaison qu’établit saint Paul entre la
communauté chrétienne et le corps : « Le corps ne fait qu’un, il a
pourtant plusieurs membres ; et tous les membres, malgré leur nombre, ne
forment qu’un seul corps. Il en est ainsi pour le Christ. L’oreille aurait beau
dire : « Je ne suis pas l’œil, donc je ne fais pas partie du corps », elle fait
cependant partie du corps. » Dans la saga, la communauté de l’anneau forme
un tout dans lequel chacun trouve une place particulière. Personne ne pourrait
à lui seul remplir la mission de détruire l’anneau. A lui seul, Frodon n’aurait
eu le courage de détruire l’anneau. Il a besoin de Sam. Et à lui seul, Sam
n’aurait pas pu suppléer aux défaillances de son maître. Il a besoin de l’aide
Galadriel. C’est la diversité des personnes qui compose une communauté qui non
seulement fait sa force, mais ce qui la rend apte à remplir sa mission. Car les
talents dont les individus sont doués ont une fonction qui les dépasse. On
parlera, avec saint Paul, de charismes. La dextérité de Legolas est un charisme
qui lui permet de faire des coups d’éclats dans les batailles. La prudence de
Frodon est un autre charisme qui permet à la communauté d’accomplir sa tâche.
La clairvoyance de Gandalf permet à une communauté pourtant malmenée de
surmonter le danger de la dispersion.
Chacune
des grandes actions doit quelque chose aux différentes individualités qui la composent.
Même celui qui semble le plus solitaire, Gandalf, est aussi le plus humble.
Comme il le dit : « Seule une petite partie est achevée par les
grands exploits des héros ». On retrouve ici un thème classique du
catholicisme : chacun, laissé à lui seul, est encore inachevé et nous
avons besoin des autres pour nous épanouir. C’est la vie communautaire qui
perfectionne chacun de ses membres. Dans la saga, l’exemple le plus saillant de
cette perfection commune est l’amitié entre Legolas et Gimli. L’amitié du nain
humanise l’elfe et l’amitié de l’elfe élève le nain à une certaine sensibilité
artistique.
Merci frère Paul Adrien. Nous nous retrouvons demain pour continuer
notre chronique théologie et pop corn et
notre étude du Seigneur des Anneaux.
La communauté apostolique
Et, tout de suite, nous retrouvons le frère Paul Adrien pour sa chronique
Théologie et Pop Corn
L’héroïque
fantaisy est le genre cinématographique qui est le plus en vogue actuellement. Et
à l’origine de cet engouement populaire, il y a un livre « Le seigneur des
Anneaux », et au centre de ce livre, il y a une communauté, la communauté
de l’anneau. 9 personnes envoyés par un concile, le concile d’Elrond, avec
comme mandat la destruction l’anneau du mal. Vous notez les deux mots que j’ai
employés : envoyé et mandatés. Ce sont deux mots techniques, marqués par
la théologie catholique. Derrière, c’est le mot d’apôtre. En grec, « celui
qui est envoyé ». Celui qui est envoyé par Dieu avec un mandat officiel de
l’Eglise. Je vous dis cela parce que Tolkien, qui a écrit le Seigneur des
Anneaux, était un fervent catholique et que l’on retrouve ce qu’on appelle les
notes de l’Eglise (catholicité, unité, apostolicité) dans cette communauté de
l’anneau qui est au centre de cette saga. Et c’est sur la dimension apostolique
que j’attire maintenant votre attention.
Prenons
le mandat apostolique. Le mandat, c’est la confirmation officielle du rôle
qu’une personne se sent appelé à jouer dans une communauté. Dans la saga, ce mandat
est reçu au cours du concile d’Elrond : détruire l’anneau. Le mandat est
confié à Frodon, avec en prime une bénédiction : « Adieu, dit Elrond,
et que la bénédiction des Elfes, des Hommes et de tous les Gens Libres vous
accompagne. Que les étoiles brillent sur vos visages ! » Ce mandat apostolique structure la
communauté de l’anneau : Frodon au centre et autour de lui s’organisent
les relations et les rôles de chacun. Aragorn, en respectant ce mandat qu’il
pourrait pourtant contester, assure la cohésion de la communauté. Boromir, en
contestant ce mandat va la mener à mal.
Dans
la saga, ce mandat ne vient pas de nulle part : il est fondé sur un appel
intérieur. Car le mandat que donne une communauté chrétienne, ultimement, ne
vient pas des hommes mais de Dieu, Illuvatar dans la saga. L’envoi officiel par
Elrond ne fait que confirmer et solidifier une vocation que Frodon ressentait
déjà. Une certaine soif d’aventure, un certain sens du devoir. Ce qu’on appelle
l’attrait intérieur pour les choses divines, la vocation. Et c’est Gandalf, un
personnage construit par Tolkien comme une référence lointaine au Christ, qui
va révéler à Frodon la véritable portée de cette vocation. Et grâce à elle, le
mandat va devenir une destinée auréolée par la providence. Dans la saga, la
providence, ce sont les aigles qui interviennent quand tout semble impossible. Mandat,
providence, vocation : c’est bien la vie apostolique que l’on retrouve ici.
Le tout sous fond d’humilité. Le mot appartient encore à Gandalf : « Vous
ne pensez tout de même pas que toutes vos aventures et vos évasions ont été le
résultat d'une pure chance à votre seul bénéfice? Vous êtes une personne très
bien, monsieur Baggins, et je vous aime beaucoup, mais vous n'êtes, après tout,
qu'un minuscule individu dans le vaste monde. »
Merci pour frère Paul Adrien cette analyse. Nous vous retrouvons demain
pour un autre épisode.
Miséricorde et repentance
Il est maintenant l’heure de retrouver notre chronique Théologie et Pop
Corn, cette semaine sur le Seigneur des Anneaux avec le frère Paul Adrien.
La
vie communautaire est la première mission chrétienne car c’est la condition de
notre bonheur. Nous sommes faits pour vivre ensemble, malgré tous nos défauts
et tous nos plaintes. Voilà ce que nous rappelle Bilbon, un héros du Seigneur
des Anneaux. Parlant à ses amis, il dit : « Je ne connais pas la
moitié d'entre vous autant que je le voudrais, mais j'aime moins la moitié
d'entre vous à moitié moins que vous ne le méritez ! » Phrase pleine de
charme qui nous rappelle que la vie commune est une énigme dont on ne sait pas
toujours si elle est une chance. Car oui, la vie commune n’est pas toujours une
chance. C’est là tout le mystère du mal qui corrompt l’amitié. Et ce en quoi le
Seigneur des Anneaux est une saga profonde, c’est qu’elle intègre ce mystère au
cœur de la communauté.
Dans
la saga, le mal peut venir de l’extérieur. Mais, il peut aussi venir de
l’intérieur. C’est la traîtrise possible de vos amis, voire même la traîtrise
des supérieurs qui sont en charge de vous. Saroumane dans la saga. Et la
possibilité d’avoir à subir la traîtrise des proches est assumée dans cette
communauté de l’anneau. En cela, on reconnaît la marque d’une communauté authentiquement
chrétienne. Car il nous faut assumer la traîtrise de nos proches au nom de la
charité et de l’espérance : Dieu est le maître absolu, et il est capable
d’utiliser même une traîtrise à son profit. Ecoutons Gandalf : « Rappelons-nous
qu'un traître peut se trahir lui-même et faire un bien qu'il n'avait pas en
vue. » « Nombreux sont ceux qui vivent et qui méritent la mort. Et
certains qui meurent méritent la vie. Pouvez-vous la leur donner ? Alors, ne
soyez pas trop prompt à dispenser la mort en jugement. »
Transformer
le mal en bien n’est pas chose aisée et suppose l’exercice crucial de la
miséricorde et de la repentance dans la communauté.
L’exemple
réussi d’un tel exercice communautaire dans la saga est donné par Boromir.
Boromir veut prendre l’anneau pour lui. Il trahit la communauté. Mais il finit
par se repentir et se rachète en donnant sa vie. Le pardon lui est accordé et
la communauté pourra survivre. L’exercice se répète, plus cruel, avec Gollum,
le hobbit qui a trahi son peuple pour préférer la solitude et jouir de
l’anneau. Frodon, qui voit en Gollum, sa propre image, l’image d’une noblesse
déchue est saisi de pitié. Réintégrer Gollum dans la communauté, prêcher avec
douceur la conversion des mœurs, voilà à la fin de la saga la grande mission de
Frodon. C’est sa plus grande œuvre, et à la fois son plus grand échec et sa
plus grande victoire. Car à la fin, le traître redevient un traître. Mais,
Frodon le rappelle : « Sans Gollum, je n'aurai pu détruire l'Anneau.
La Quête aurait été vaine, même à la fin des fins. Pardonnons-lui donc! »
Merci pour frère Paul Adrien pour cette chronique de cinéma. Rappelons
que l’ensemble de cette chonique est disponible sur votre page YouTube.
La vie missionnaire
Et, tout de suite, nous retrouvons le frère Paul Adrien pour sa chronique
Théologie et Pop Corn
Etre
missionnaire, cela signifie quitter sa communauté d’origine et partir dans
l’espoir de trouver une autre communauté. Les missionnaires du XIX partaient en
Asie. Les missionnaires d’aujourd’hui quittent leur région ou leur culture. Et
de ce point de vue, à travers ses héros, Tolkien décrit la vie de
missionnaires. Tolkien attachait une grande importance au début et à la fin de sa
saga. Le début, c’est-à-dire une longue et paisible description du comté, le
pays natal des Hobbit. La fin, c’est-à-dire le retour des Hobbit dans leur
communauté natale. Entredeux, c’est l’histoire d’un long arrachement. Quitter
sa communauté pour la sauver d’un péril dont elle ignore l’existence. Une
longue errance qui mène les héros de communautés locales en communautés locales,
chez les elfes d’Elrond puis chez Galadriel, puis au Rohan en enfin chez les
hommes du Gondor, pour finir avec un sentiment de solitude et d’étrangeté. On
s’aperçoit que si la vie en communauté dans le Seigneur des anneaux, est à la
fois la grande mission des héros, le début et la fin de la vie humaine, paradoxalement,
cette même mission oblige les héros à la quitter.
Tout
quitter. Pauvreté, chasteté et obéissance. Ainsi Sam. Pauvreté, car au fur et à
mesure que Sam s’éloigne, son équipement se fait de plus en plus maigre. Chasteté,
car Sam qui part à la guerre doit mettre de côté son histoire sentimentale avec
Rose. Obéissance, car Sam, doit surmonter sa méfiance contre Gollum et faire
route avec lui pour obéir à Frodon. Bref, pour être missionnaire et sauver sa
communauté, il faut porter sa croix dans le Seigneur des anneaux. Porter sa
croix, précisément, comme Frodon porte l’anneau.
Oui,
dans cette saga, accepter la mission ne se fait pas sans difficulté : les autres
hobbits n’acceptent pas que l’on puisse les abandonner, même pour les sauver
d’un péril dont ils ignorent l’existence. Citation de Bilbon : « Nous sommes des gens
simples et tranquilles, et nous n'avons que faire d'aventures. Ce ne sont que
de vilaines choses, des sources d'ennuis et de désagréments ! Elles vous
mettent en retard pour le dîner ! ». Il faut alors accepter d’être regardé comme
un étranger par sa propre famille. Comme Jésus dans les évangiles. Comme
Aragorn surnommé Grands Pas. « On
nous croit des inconnus, nous qui sommes pourtant si connus » dit saint
Paul, le grand missionnaire (2 Co 6). Bien sûr, me direz-vous, ceci n’est vrai
que pour un temps. A la fin, les Hobbits retrouvent leur communauté. Oui, mais
pas tous : ceux qui se sont donnés sans retour ne parviennent plus à
revenir à leur communauté d’origine et doivent partir vers une autre
communauté, une communauté plus lointaine et plus éternelle, celle qui se cache
dans le film derrière les havres gris. Frodon, Gandalf, mais aussi Sam, en fin
de compte. Ultimement, voilà jusqu’où doit nous mener la mission et la vie
communautaire.
Merci frère Paul Adrien pour votre commentaire de Tolkien. A la semaine
prochaine, pour une chronique, cette-fois ci, de catéchisme.
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