L'arbre de la vie, the tree of life : le livre de Job mis en image
Introduction à Tree of life
Et, tout de suite, nous retrouvons le frère Paul Adrien
pour une nouvelle chronique cinéma. Cette semaine, vous nous parler du film
Tree of Life. Pouvez-vous rappeler brièvement l’histoire à nos auditeurs ?
Jack, la cinquantaine, semble las de son existence. Sa nostalgie se
cristallise autour de la mort de son plus jeune frère. En se souvenant de son
enfance, Jack va entraîner le spectateur avec lui dans sa mémoire. Il s’agit de
l’arbre de la vie, the tree of life, un film de Terence Malick, palme
d’or au festival de Cannes en 2011. Probablement l’un des plus grands films
chrétiens des 20 dernières années. Dieu est le sujet principal du film. Alpha
et Omega, il est représenté au début et à la fin, sous la forme de la lumière,
la lumière inaccessible dont parle l’épître de Jacques. Et, de manière plus
discrète mais réelle, il est présent à chaque instant du film.
Disons-le tout de suite, the Tree of life n’est pas un film de
divertissement. Pas d’action percutante, pas d’histoire sentimentale, pas de dialogue
serré. Si ce film était un livre, ce serait un livre de poésie. Il s’agit de
méditer et de contempler. On y parle d’un homme qui se questionne sur sa vie, la
mort, la rédemption. Et la poésie des images entend donner à ces questions un sens
qui prend les dimensions de l’univers entier, d’un univers dont le mystère nous
échappe par ailleurs. Oui, regarder the Tree of life se mérite. C’est un
film exigeant. Mais écouter du Bach ou du Mozart aussi est exigeant. Et le film
entend se situer à ce niveau. C’est un film follement ambitieux. Alors, comme
tous ces films ambitieux, ou bien on adore, ou bien on déteste. Et les critiques
de cinéma sont partagés en conséquence. Une question revient souvent :
pourquoi cette séquence sur la création, et surtout : que viennent faire
ces dinosaures venus de nulle part ? Car il faut les bonnes clés de lecture
pour comprendre. Sinon, on passe à côté et on dit que c’est un délire
mystico-religieux. Mais, pour celui qui connaît la Bible, ces dinosaures
deviennent une allusion au léviathan et à béhémoth dont parle le livre de Job.
Et celui devient génial.
C’est vrai, j’admets que l’ambition démesurée de ce film pourrait
donne le vertige, et peut-être n’est ien d’autre qu’une esbrouffe
intellectuelle. Le grandiose et le ridicule donnent parfois les mêmes vertiges.
Mais plusieurs critères me rassurent sur la qualité du film : je me
surprends encore parfois une larme à l’oeil, submergé par la simplicité des
émotions qui s’imposent à moi. Les références bibliques clairement assumées et
que l’auteur déroule sans complexe justifient d’autres allusions plus subtiles
à voir. Il y a la vérité de ces scènes de jeunesse, scènes si justes que l’on
croit revivre le développement compliqué de sa propre psychologie. Et puis enfin
et surtout, la poésie magistrale de ces images réhaussées par une musique
poignante. Oui, je l’avoue bien humblement, c’est un film qui me dépasse. On
atteint parfois le sublime. Et je suis heureux d’en parler avec vous cette
semaine.
Merci frère Paul Adrien. Nous nous retrouvons demain pour
continuer notre chronique Théologie et Pop Corn et continuez à parler du film
The tree of life…
Job
Une famille moyenne, un village texan dans les années 50. Un fils décède,
à la guerre suppose-t-on. Quel sens donner à cela ? Cette semaine, dans
notre rubrique Théologie et Pop Corn, nous parlons de Tree of Life, un film de
Terence Malick.
Redisons-le :
the Tree of life est aussi magnifique qu’exigeant. Fautes d’avoir les
bonnes clés de lecture, on passe à côté de ce film, et même avec les bonnes
clés en main, la porte reste difficile à ouvrir. Commençons donc avec la
première clé que Terrence Malick vous donne. C’est Job, mis en exergue du film
avec une citation de la Bible. Job qui a tout perdu, ses enfants, sa richesse
et sa santé et qui se révolte contre Dieu pour sauver sa dignité. Job dans le
film, c’est cette mère qui a perdu son fils. Nous ne saurions rien sur les
circonstances de la mort du fils. On peut imaginer le pire ou rien du tout. La
question n’est pas là. Elle est dans le sens d’une jeunesse inutile, d’une vie
qui n’a pas tenu ses promesses, de cet amour qu’une mère a donné à son fils et
qui semble finir avec lui dans le néant et la douleur.
Grâce à
cette clé de lecrture que le film donne,
on comprend que la mort de cet enfant est moins importante pour elle-même que
pour ce qu’elle représente. Le symbole par excellence de la souffrance et de l’absurde.
Un parent qui enterre son enfant. Et on comprend les paroles lénifiantes du
curé, les platitudes mensongères de la voisine, la solitude où votre conjoint
vous enferme. Ce sont les mauvais consolateurs dont parle le livre de Job, ceux
qui croient vous aider et qui en fait vous enfoncent. On comprend ce magnifique
sermon dans cette église, beau mais froid. C’est le discours d’Elihou dans Job.
Et puis et surtout,
avec Job comme clé de lecture, on comprend pourquoi cette longue séquence qui
retrace la création du monde, qui va du Big Bang aux dinosaures, le tout sur
fond de musique religieuse. Cette séquence, dans le film, c’est la reprise en
image du discours de clôture du livre de Job, un discours où Dieu parle à Job
et décrit les merveilles de sa création, le bien, le mal, la vie, la mort. Faute
de voir la référence à Job, on passe à côté de cette séquence que l’on trouve alors
pompeuse. Mais, en vérité, cette séquence vise à nous faire comprendre comment
fonctionne la réponse de Dieu dans Job. C’est une réponse qui prend la forme
d’une révélation, la révélation d’une sagesse supérieure qui déploie sa
splendeur à travers le tragique, à travers la beauté d’une création mortelle
qui aspire à l’éternité. Le sentiment du sublime qu’elle procure parvient
pendant un instant à chasser la douleur du deuil. La souffrance n’est pas
résolue, mais elle devient relativisée. Elle était un absolu dans lequel nous
nous perdions. Le sublime nous fait retrouver notre place de créature dans un
univers qui nous échappe. A défaut de comprendre la souffrance, l’espérance
peut renaître dans l’humilité et l’admiration. Espérance qui trouvera à la fin
du film sa justification, mais ce sera pour plus tard.
Merci
frère Paul Adrien pour cette clé de lecture. Nous nous retrouvons demain pour
parler d’un deuxième aspect du film.
La nature et la grâce
Une famille moyenne, un village texan
dans les années 50. Un fils décède, à la guerre suppose-t-on. Quel sens donner
à cela ? Cette semaine, dans notre rubrique Théologie et Pop Corn, nous
parlons de Tree of Life, un film de Terence Malick.
Après le livre de Job comme première clé
de lecture, en voici une deuxième que le film, à travers une voix off, vous
donne en ouverture : « Les religieuses nous ont appris qu'il y avait deux
chemins dans la vie : le chemin de la nature et le chemin de la grâce. Tu dois choisir lequel tu vas suivre. » On
retrouvera ce thème des deux voies, dans le film, à travers cette famille. Le
père, figure autoritaire et strict, joué par Brad Pitt, incarne la
nature : suivre son propre chemin, être dur face à l’adversité, réussir sa
vie à la force du poignet. La mère, figure de délicatesse et d’humilité, jouée
par Jessica Chastain, incarne la grâce et la charité, l’amour qui sourit à
travers toute chose. Et Jack, le fils, joué par Sean Penn, incarne le conflit
que la nature et la grâce se livrent, puisqu’il retrouve en lui ces deux
traits.
Mais cette
clé de lecture doit être manié avec délicatesse, sous peine de caricaturer le
propos du film. Au premier abord, on pourrait croire que la nature et la grâce
s’opposent. Le bien avec la grâce, le mal avec la nature. On retrouverait alors
l’opposition entre la chair et l’esprit dont parle saint Paul, dans la lettre
aux Romains : « Nous ne sommes plus sous l'emprise de la chair, mais de
l'Esprit. » Et il y a de ça dans le film. Citation du film : « la
nature trouve toujours des raisons d’être malheureux quand tout le monde brille
autour de lui. Tandis que l'amour sourit à travers toutes choses. » Mais, il
y a plusieurs problèmes dans cette opposition. D’abord un problème biblique :
la chair n’est pas la nature chez saint Paul. La chair représente la nature
humaine corrompue par le péché. Ensuite, il y a un problème théologique que le
film rappelle : la nature est bonne. Elle est le lieu où Dieu révèle sa gloire.
D’où ces images de la création. Enfin il y a le bon sens éducatif que le film
rappelle lui encore. Le père et la mère s’opposent, oui, mais dans le cadre
d’une alliance conjugale. La nature et la grâce éduquent ensemble les enfants. Tout
caricatural que soit le père, il a aussi une part de vérité. Il nous rappelle que
le monde est dur et que le travail est une valeur. D’ailleurs quand le père
s’en va en voyage, les enfants finissent par faire n’importe quoi.
Ce qui est
sûr, c’est que la voie de la nature, sans la grâce, finit en impasse qui rend
malheureux. Et le père est malheureux. Et c’est le moment de citer, non pas
l’imitation de Jésus Christ qui accentue cette opposition entre nature et grâce,
mais saint Thomas d’Aquin : la grâce n’abolit la nature, elle la complète. Non
pas opposer, mais réconcilier. Et tel est l’enjeu du film. Je dis l’enjeu, car
ce n’est pas sûr qu’on y arrive. Ultimement, ce n’est peut-être possible qu’au
paradis, comme le film nous le rappelle encore. Mais cela ne veut pas dire
qu’il ne faut pas l’espérer. Au contraire, dit ce film...
Merci
frère Paul Adrien pour cette clé de lecture. Nous nous retrouvons demain pour
parler d’un autre aspect du film.
L’arbre de la vie
Une famille moyenne, un village texan
dans les années 50. Un fils décède, à la guerre suppose-t-on. Quel sens donner
à cela ? Cette semaine, dans notre rubrique Théologie et Pop Corn, nous
parlons de Tree of Life, un film de Terence Malick.
Après la nature et la grâce, après le livre de Job, je vous
propose comme troisième clé lecture du film The tree of life son titre :
l’arbre de la vie. Quand nous parlons du jardin d’Eden, nous nous focalisons généralement
sur l’arbre de la connaissance du bien et du mal, sur le fruit défendu. Nous
oublions qu’il y avait un autre arbre, plus important, un arbre planté au
centre du paradis et dont le fruit était permis. Un arbre dont nous avons perdu
le souvenir et sur lequel se focalise le film. L’arbre de la vie. Le symbole d’une
vie venue d’en haut, une vie en plénitude, la vie éternelle. Le Bible commence
par l’évocation de cet arbre et finit par lui. Apocalypse 22 : « Au milieu
de la Jérusalem céleste, entre les deux bras du fleuve, il y a un arbre de vie
: chaque mois il produit son fruit ; et les feuilles de cet arbre sont un
remède pour les nations. » Le film aussi commence et finit par lui.
Le thème de la
vie éternelle va être déployée dans le film, à travers les images récurrentes d’arbres,
et aussi à travers le spectacle plus large de la nature. L’arbre de la vie,
c’est la nature traversée par la gloire. Et la terre et la végétation laissent
pressentir cette vie éternelle. Mais les autres éléments sont utilisés
pareillement dans le film. Le feu fait lui aussi pressentir la vie éternelle
comme lumière inaccessible, comme volcan de vie. De même, le vent fait
pressentir ce qu’est la vie éternelle, son murmure, son inspiration, sa
légèreté. Et puis, et surtout, l’eau, le symbole de la vie par excellence dans le
film. L’eau qui donne la vie, l’eau qui lave et rafraîchit, l’eau qui s’épanche
dans un fleuve aux dimensions de l’éternité. L’absence d’eau devient absence de
vie, le désert où Jack s’aventure pour se confronter à ses propres questions et
à ses propres doutes. L’eau, le feu, la terre, le vent, tous ces éléments sont
filmés dans le film pour être le décor d’un spectacle plus grand, d’une
révélation plus vaste. La gloire de Dieu. Cette gloire qui laisse entrevoir
dans la création ce qu’est la vie éternelle.
Comme le
père finira par le dire : «Je voulais être aimé parce que je suis un homme
fort, grand. Je ne suis rien. Regarde : la gloire autour de nous, les arbres,
les oiseaux. J'ai vécu dans la honte. J'ai tout déshonoré et je n’ai pas
remarqué la gloire. Un homme stupide. » Cet homme qui vit dans la honte et
la folie, c’est évidemment Adam chassé du paradis, et nous à sa suite. Nous
contemplons l’arbre de vie, mais de loin désormais. Peu importe. La nature par
sa gloire reste une icône de Dieu à nous qui l’avons oublié, un chemin qui mène
à lui. Sa gloire, quand on la contemple, est un fruit qui donne vie, un remède à
notre honte et à notre folie. L’arbre de vie, c’est la nature dans sa gloire,
et à travers elle, Dieu qui nous attire à lui. Et c’est ce que le film
rappelle.
Merci
frère Paul Adrien, demain nous nous retrouvons pour une dernière clé de lecture
de ce film.
La confession
Une famille moyenne, un village texan
dans les années 50. Un fils décède, à la guerre suppose-t-on. Quel sens donner
à cela ? Cette semaine, dans notre rubrique Théologie et Pop Corn, nous
parlons de Tree of Life, un film de Terence Malick.
Je vous
propose aujourd’hui une dernière clé de lecture pour ce film l’Arbre de la
Vie : la confession. La confession, au sens large. Ce que nous appelons
aujourd’hui la relecture : relire sa vie à la lumière de Dieu. D’où cette voix
off dans le film. Ce monologue intérieur qui se change constamment en prière.
Cette
confession, pour Malick, dépasse notre propre histoire. D’où un long détour que
le film va vous proposer du côté de la création. Car même la plus infirme vie engage
l’univers entier. Elle est une destinée. Notre histoire ne commence pas avec
nous. Elle commence avec l’éternité. Avec Dieu qui nous a voulus, Avec ces
tournesols dans le film, constamment tournés vers le soleil, et qui évoquent
les anges tournés vers la face de Dieu, avant même que nous n’existions. Et
puis le film montre Dieu qui déroule son plan, Dieu qui, par-delà les siècles
d’évolution nous façonne patiemment. Et le film bascule. De la création de
l’univers, on passe à l’histoire personnelle. Dieu qui après avoir créé le
monde donne un nom à Jack, le héros du film. On le voit naître et grandir,
entouré de l’amour de ses parents. Toujours cette voix off qui confesse Dieu.
Les premières jalousies, les premières transgressions. Et puis de la jeunesse, le
film passe à l’adolescence. La découverte du mal. Que ce mal soit physique,
qu’il soit d’ordre moral. Et avec la découverte du mal, la découverte de la
mort et du tragique. Et puis, on passe à la crise d’adolescence, à la remise en
cause de l’autorité. L’insolence envers les parents qui se change en haine et
qui entraîne des fautes conscientes et voulues. Ces jeux d’adolescent, quasi
insignifiants mais pourtant lourds de révolte. Le film évoque avec pudeur la
découverte de la sexualité, vécue comme un tabou et qui pousse aux bêtises
honteuses. Tout ceci est décrit avec des images délicates. Et il est difficile
de ne pas s’y retrouver, que l’on ait vécu ou non ces situations. Le jeune
acteur joue remarquablement, la caméra choisit toujours des angles personnels,
à chaque fois on s’arrête sur un cliché suffisamment puissant pour évoquer
notre propre jeunesse. Et puis, fin de la crise d’adolescence. L’enfant
commence à trouver sa propre voie, et découvre la miséricorde. On passe à la
vie adulte. Et cette confession que le film met en image bascule une dernière
fois.
Le rythme s’accélère,
les siècles défilent. Le récit autobiographique qui commençait avec la création
du monde, nous dépasse maintenant et finit par déboucher sur la fin du monde. La
résurrection de mort, la réconciliation, les retrouvailles. Et à nouveaux ces
images de tournesols. Ils évoquent à présent le terme de notre destinée. Constamment
tourné vers le soleil, c’est la vision béatifique des élus au paradis. Jack, le
héros, se réveille et nous ramène sur terre. La confession s’achève en espérance.
Fin du film.
Merci
frère Paul Adrien pour cette chronique. Vous pouvez la retrouvez sur YouTube en
tapant frère Paul Adrien.
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