Les paraboles : on croit les connaître et patatras....
Un genre littéraire bien connu
Et, tout de suite, nous retrouvons le frère Paul Adrien pour une
nouvelle chronique de catéchèse. De quoi allez-vous nous parler cette
semaine ?
Je vous propose
cette semaine de faire un détour du côté des paraboles évangéliques. Tout le
monde les connaît : le bon samaritain, le semeur sorti pour semer, les
ouvriers de la onzième heure. D'ailleurs, les paraboles sont tellement connues qu’elles
finissent par ennuyer les gens, lassés de les entendre semaine après semaine,
dimanche après dimanche, messe après messe. Pourtant, voici ce que disent
les Rabbins, une génération après Jésus, sur ce qu’ils appellent le mashal, la
parole imagée, le genre littéraire auquel appartient la parabole.
Nos maîtres ont dit : « Que le mashal ne soit pas une petite chose à tes yeux ». Entendez : « que la parabole ne soit pas une petite chose à tes yeux, parce que, grâce à elle, l'homme peut comprendre les paroles de la Bible. C’est comme la parabole d'un roi qui, dans sa maison, a perdu une pièce d'or ou une pierre précieuse. Ne va-t-il pas la chercher avec un fil de fer qui ne vaut pas plus d'un sou ? Ainsi le Mashal ne doit pas être une petite chose à tes yeux, parce que grâce à lui, on peut pénétrer les paroles de la Bible. »
Les paraboles
ne sont pas en effet de petites choses. Ce sont des perles précieuses, des
trésors de rhétorique qui se gravent dans notre mémoire plus facilement que
n’importe quel discours abstrait. On y retrouve les qualités littéraires que
décrit Quintilien, un rhétoricien de la Rome Antique. Clarté, Brièveté,
Crédibilité. Clarté : car tout le monde a compris l’histoire de cette pièce perdue
que l’on va chercher sous le canapé avec un fil de fer. Brièveté, car tout est
dit en deux phrases. Crédibilité, car même un roi ferait ce genre de chose.
Et demain, nous redécouvrirons ensemble une parabole en particulier.
Le bon samaritain : deux lectures
Et, tout de suite, nous retrouvons le frère Paul Adrien pour une
nouvelle chronique de catéchèse fondamentale. Cette semaine nous rafraîchissons
notre lecture des paraboles.
Tout
le monde connaît la parabole du bon Samaritain. Pour répondre à la question
d’un scribe qui lui demande qui est notre prochain, Jésus utilise le
procédé de la parabole. Procédé pédagogique car cela va obliger le scribe à
prendre parti. D’où cette parabole. Un voyageur est attaqué par des bandits. Un
prêtre et un lévite passent à côté de lui sans rien faire. C’est un Samaritain
qui, finalement, lui sauvera la vie. La parabole du bon samaritain. A priori,
la parabole n’a pas besoin d’être expliquée. Elle est claire. Et tant
mieux car le sujet est important et doit être compris par tout le monde.
Chaque SDF que vous croisez en ce moment sur le chemin du retour devrait nous y
faire penser.
Mais,
on peut dire aussi que le sujet est si important que l’on doit creuser cette
parabole pour se laisser interpeller par elle. On peut le faire de deux manières
: soit en étudiant le sens historique, soit le sens allégorique.
Je
commence par le l’étude historique, qui est l’étude la plus courante. Cette étude
consiste à replacer la parabole du bon samaritain dans le cadre historique du
premier siècle. On dira alors que le prêtre monte à Jérusalem pour faire des
sacrifices dans le temple. Que, s’il ne s’arrête pas, c’est parce que le
contact avec un homme blessé le mettrait en état d’impureté rituelle. Il ne pourrait
plus prier au temple. A l’inverse, cette étude nous montre que c’est un Samaritain,
un hérétique aux yeux des juifs de l’époque, qui est proposé comme modèle. Et
voilà que la parabole devient non plus une simple leçon de morale, mais une
critique de la religion.
Deuxième
étude : l’étude allégorique. Cela consiste à voir dans la parabole une illustration
de la foi chrétienne. C’était l’étude la plus traditionnelle jusqu’à la fin du
19e siècle. Voici ce que disait saint Augustin. Je suis prêt à
parier que pour vous ce sera nouveau ! L’homme qui descend de Jérusalem,
c’est Adam chassé du paradis. Les brigands, ce sont les démons qui l’attaquent
et qui, par la tentation, le blessent et le privent de la vie éternelle. Le
prêtre et le lévite représentent l’Ancien Testament qui a échoué. Le
Samaritain, c’est Jésus qui cache sa divinité sous les traits d’un étranger.
L’hôtellerie à qui est confié le blessé jusqu’à ce que le Samaritain revienne,
c’est l’Eglise jusqu’à ce que le Christ revienne.
Etude
allégorique. Avec cette double lecture, historique et allégorique, vous avez déjà
de quoi renouveler votre compréhension des paraboles !
Merci frère Paul Adrien. Nous nous retrouvons demain pour continuer
notre chronique sur les paraboles.
Le semeur
Et, tout de suite, nous retrouvons le frère Paul Adrien pour une
chronique de catéchèse à propos des paraboles dans l’évangile.
On
croit les connaître et pourtant un rien suffit à nous prouver qu’on est passé à
côté ! Je prends l’exemple de la parabole du semeur. Un semeur sortit pour
semer du grain. Certains tombèrent sur la bonne terre, d’autres sur le chemin,
dans les graviers ou les ronces. Il suffit que l’on dise les premières phrases
de cette parabole pour endormir les premiers rangs de l’église tellement nous
la connaissons par coeur.
Erreur !
Et en plus erreur sur la plus importante des paraboles ! Elle est si
importante qu’on la retrouve dans les trois évangiles de Matthieu, Luc et Marc.
Pourtant, me direz-vous, tout le monde connaît l’explication. Il n’y a rien à
dire de plus : c’est Jésus lui-même qui nous a donné l’explication. Le terrain représente la qualité de notre
cœur : tantôt nous accueillons la parole comme la bonne terre accueille le
bon grain, tantôt nous l’étouffons comme les ronces étouffent le bon grain.
Facile me direz-vous ! Oui, mais je dis quand même erreur. Donc, réveillez-vous !
oui, vous qui m’écoutez en ce moment ! car ce que nous avons mis au cœur
de notre explication, c’est nous, nous et encore nous. Notre cœur, nos
qualités, nos défauts. Et voilà que cette parabole devient une parabole sur
notre vie spirituelle et ce n’est pas glorieux !
Nous
mettons d’abord l’accent sur la qualité du terrain et sur nous-mêmes. Un appel
à se convertir. Et puis, un jour on décide de mettre l’accent sur quelqu’un d’autre.
Le semeur. Après tout, quel gâchis ! le semeur sème n’importe où !
Oui, mais si on se focalise non plus sur nous mais sur le semeur, la parabole devient
différente : elle devient un appel à la générosité apostolique. La fin de
la parabole s’éclaire : récolter du fruit, un pour cent, pour soixante ou pour
trente. Le surplus compense le gâchis.
Et
puis, à nouveau, une question vient tout casser : pourquoi, si cette
parabole est si importante, l’évangile de Jean n’en parle-t-il pas ?
Alors, on met l’accent non plus sur le terrain ou sur le semeur, mais sur le
grain de blé. Ce que fait Jésus quand il explique la parabole d’ailleurs. Et la
parabole change à nouveau de sens ; Elle devient une exhortation à donner
sa vie. Et on retrouve cette phrase dans Jean : « le grain de blé qui
est tombé en terre et meurt donne beaucoup de fruit ».
La
boucle est bouclée et on a bien fait de se réveiller. Vous voyez comment notre
compréhension d’une parabole reflète notre vie spirituelle. D’ailleurs, quand
il en donnait l’explication, Jésus rappelait que c’est la dureté de cœur qui
nous empêche de bien comprendre. D’où, disait-il, les paraboles.
Merci pour frère Paul Adrien pour votre manière de refaire de l’évangile
une terra incognita.
Les paraboles du royaume
Et, tout de suite, nous retrouvons le frère Paul Adrien pour une
chronique de catéchèse à propos des paraboles dans l’évangile.
Nous
avons parlé la dernière fois de la parabole du semeur, une parabole importante
car elle montre comment nous sommes appelés à renouveler sans cesse notre
lecture des paraboles, et quel est l’enjeu spirituel qu’il y a derrière. Je
vous propose de continuer encore avec cette parabole. Ou presque. De renouveler
cette histoire du semeur sorti pour semer en nous penchant cette fois ci sur sa
place dans le récit évangélique. Et cette parabole pourrait bien encore vous surprendre.
Voici
comment le récit de la parabole est structurée dans l’évangile de Matthieu :
Jésus donne la parabole, puis commente aux disciples la pédagogie de la
parabole, et enfin redonne la parabole cette fois-ci de manière transparente et
expliquée.
Or,
juste après cela, on retrouve dans le texte la même structure narrative : Jésus
donne d’autres paraboles, puis commente sa pédagogie en parabole, et enfin redonne
d’autres paraboles plus transparentes. Comme si la parabole du semeur n’était
en fait qu’une introduction à une autre série de paraboles. Ces autres paraboles
qui suivent, vous les connaissez : le bon grain et l’ivraie, la graine de
moutarde, le levain dans la pâte, le trésor caché, la perle rare et le filet plein
de poissons. C’est Jésus qui vous rejoint dans votre cuisine, vous qui êtes en
train de cuisiner !
Et
voici ce que l’on découvre à lire attentivement cette deuxième série de
paraboles. Elle semble répondre à des questions que la première parabole du semeur
laissait sans réponse. Par exemple, pourquoi faut-il semer sur des terrains
gâchés ? Réponse dans les paraboles du filet et de l’ivraie ! Pourquoi le
grain peut-il donner du fruit à raison de un pour cent ? Réponse dans les paraboles
de la graine de moutarde et du levain dans la pâte ! Et pourquoi faut-il donner
sa vie pour porter du fruit comme le suggérait notre première parabole ?
Réponse dans les paraboles du trésor caché et de la perle rare !
Chacune
de ces deuxièmes paraboles prolongent la parabole du semeur. Ce qui ne veut pas
dire que cette deuxième série n’ait pas sa propre logique interne. Par exemple,
pourquoi est-ce que chaque parabole est dédoublée ? Le bon grain et le
filet jeté, la graine de moutarde et le levain, le trésor caché et la perle
rare. Je vous laisse avec cette question pour entraîner votre réflexion…
Merci frère Paul Adrien. Nous nous retrouvons demain pour continuer
notre chronique sur les paraboles. Je rappelle en attendant aux auditeurs qui
le souhaiteraient que cette chronique et le texte reste disponible sur la
chaîne YouTube du frère Paul Adrien.
Les paraboles chez Matthieu
Dernier jour de la semaine, nous retrouvons le frère Paul Adrien pour clôturer
une chronique consacrée aux paraboles dans l’évangile.
Après
nous être attardés sur quelques paraboles en particulier, je vous propose de
faire un rapide survol de toutes les paraboles dans un évangile
particulier : celui de saint Matthieu. Je vous ai dit que, parfois, les
paraboles étaient structurées en série dans cet évangile.
En
voici au moins deux autres. D’abord une série polémique, quand Jésus s’explique
avec les pharisiens à Jérusalem. Dans cette série, il y a la parabole des deux
fils, des vignerons homicides et des invités ingrats. Ce qui caractérise cette
série, c’est l’opposition progressive entre un maître et ses subordonnés.
Chaque parabole rajoute une tension supplémentaire à la précédente, en
insistant sur un défaut des subordonnés à chaque fois différent : d’abord hypocrisie,
puis la haine gratuite, enfin l’ingratitude crasse. En parallèle, la réponse du
maître se fait de plus en plus magistrale, lui qui est tour à tour père,
propriétaire foncier, roi militaire.
Une
autre série de paraboles est donnée, toujours chez Matthieu, avec le discours
sur la fin du monde. Dans l’ordre, vous avez la parabole du voleur, du
serviteur fidèle, des 10 vierges, la parabole des talents et enfin le berger
qui sépare les brebis et les boucs. Ces paraboles sont admirablement agencées
entre elles : on y passe, dans un fondu enchaîné, de la vigilance à l’attente
de la fin du monde puis au jugement dernier. De la même manière, les images traditionnelles
pour décrire Jésus s’imbriquent entre elles avec une dignité croissante : Jésus
est présenté comme un voleur, puis comme un maître de maison, puis comme un
époux, puis comme un richissime propriétaire, et enfin comme un roi de gloire.
Ces
séries de paraboles sont des merveilles de construction littéraire. En dehors
de ces séries, il y a encore des paraboles isolées : par exemple, les
ouvriers de la onzième heure. Ou des fausses paraboles : Pierre qui se
trompe sur le discours à propos de la pureté. Parfois encore ces paraboles sont
tellement intégrées dans le récit qu’on ne parvient plus à les en extraire. Par
exemple, Pierre qui pèche un poisson ayant dans sa gueule deux pièces d’argent pour
payer l’impôt du temple. Il s’agit d’un miracle, il s’agit aussi d’une parabole
sur la mort de Pierre et de Jésus, le poisson représentant le monstre marin et
la mort, comme dans l’histoire de Jonas.
Merci frère Paul Adrien. Nous nous retrouvons la semaine prochaine pour une
nouvelle chronique consacrée au cinéma. Je rappelle en attendant aux auditeurs
qui le souhaiteraient que cette chronique et le texte reste disponible sur la
chaîne YouTube du frère Paul Adrien.
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