Harry Potter : un livre chrétien ?
Harry Potter : un livre chrétien ?
Fr. Paul Adrien, nous nous retrouvons cette semaine pour
une nouvelle chronique théologie et pop corn. Cette semaine vous nous proposer
de parler de Harry Potter.
Harry Potter : une série de 7 livres écrits par
l’anglaise Joanne Rowling entre 1997 et 2007. 500 millions d’exemplaires de
livres, traduits en 80 langues, des films valant 8 milliards de chiffre
d’affaires, la franchise la plus rentable après Marvel et Star Wars. Qui dit
mieux ? Je vous propose cette semaine de nous poser la question suivante
: la saga Harry Potter est-elle chrétienne ? Cette question n’est
peut-être pas évidente pour vous, mais elle a paru tellement évidente à
certains journalistes qu’ils n’ont pas pu s’empêcher de la poser lors d’un
interview à Mme Rowling, l’auteur de Harry Potter.
Et voici la réponse. Citation : « Toutes les fois
où on m'a demandé si je croyais en Dieu, j'ai répondu que oui […], mais
personne n'a approfondi cette réponse et cela me convient, […] parce que si je
parle trop librement de tout ça, je pense que le lecteur intelligent […] va
deviner où je veux en venir dans ces livres.» Ha ha ! Ce que vous dit
Rowling, c’est que oui, il y des rapprochements entre Harry Potter et le
christianisme. Et que, non seulement, ils existent, mais que, si Rowling n’en a
pas parlé, ce n’est pas parce qu’elle aurait honte d’être chrétienne, mais car cela
aura spoilé la saga ! Voici ce qu’elle dit de sa foi chrétienne. « La
vérité est que, comme Graham Greene, ma foi est parfois d’avoir à nouveau
la foi. C’est quelque chose avec lequel je ne cesse de me
battre ». Que dire ? Le premier stade de la foi, c’est vouloir avoir
la foi. Quand quelqu’un dit qu’il aimerait avoir la foi, même s’il ne croit pas
en Dieu, on peut déjà dire qu’il y a une certaine sensibilité. C’est le premier
stade de la foi. Le stade ultime de la foi, c’est la foi qui exclut le doute et
fait des miracles. C’est un don de l’Esprit Saint dit Saint Paul. Rowling se
situe quelque part entre ces deux extrêmes. Elle est chrétienne, peut-être pas
convaincue et militante, et nous aurons à revenir dessus, mais elle se dit chrétienne.
Voici ce qu’elle continue à dire dans cette même
interview : « C’est une lutte permanente. Si vous me demandiez à
intervalles réguliers si je crois en une vie après la mort, ma réponse
changerait d’un jour à l’autre, mais le 'oui' l’emporterait. Mais je lutte
beaucoup. Cela me préoccupe beaucoup, je pense que ça se voit dans les livres. »
Cette phrase est intéressante parce qu’elle nous apprend autre chose. La
première citation suggérait que Rowling s’était servie du christianisme pour
construire l’intrigue de son film. Cette deuxième citation suggère que Rowling
s’est servie du christianisme pour distiller dans Harry Potter sa propre
philosophie et faire de ce livre pour enfant une initiation aux questions
religieuses : le bien, le mal, la mort, etc. Pas mal, non ? Et
attendez la suite ! pour l’instant, nous n’avons encore rien
dit ! Demain, je vous propose de
nous retrouver dans le cimetière des parents d’Harry Potter. En attendant je vous
laisse avec une question : qu’il y a-t-il d’écrit sur les tombes ?
Merci frère Paul Adrien, et bien, à demain pour cet
étrange rendez-vous.
Un cimetière évangélique
Et nous retrouvons notre chronique théologie et cinéma
avec cette semaine une question : Harry Potter, un film chrétien ? Frère
Paul Adrien, à vous la parole.
Nous nous sommes quittés la dernière fois avec un
rendez-vous un peu sinistre. Je vous ai dit rendez-vous dans un cimetière. Pas
n’importe quel cimetière, non. A Godric’s Hollow. Là où les parents d’Harry
Potter ont été enterrés, et avec eux Ariana Dumbledore, la sœur d’Albus. Avez-vous
regardé ce qu’il y avait d’écrit sur leur tombe comme je vous l’avais
demandé ? Voici ce que dit Joane Rowling, l’auteur de la série, à propos
de ces épitaphes. Citation : « Harry Potter est un livre très
british. Alors, pour faire réaliste, Harry devait trouver des citations
bibliques sur les tombes. Mais je pense que ces deux citations particulières,
trouvées sur les tombes, elles résument, voire elles incarnent toute la série. »
Fin de citation
l’Angleterre est un pays protestant, avec une grande culture
biblique. Et on ne peut pas comprendre la littérature anglaise si on connaît
pas la Bible. Par exemple, vous ne pouvez pas comprendre Moby Dick si vous ne
pensez pas au léviathan. Et Harry Potter n’échappe pas à cette règle. Rowling a
consciemment intégré son livre dans cette tradition biblique. Et cela se fait
dans ce cimetière, avec deux épitaphes, consciencieusement choisies parmi toute
la Bible pour être les deux clés de lecture de la toute la série Harry Potter. Alors
ces deux citations au cœur du cimetière, ces deux épitaphes, quelles
sont-elles ?
Et bien voici la première phrase, gravée sur la tombe de la
famille Dumbledore. « Là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur ».
Et bien, c’est une citation de Jésus ! Matthieu 6 :21. Elle fait
partie du sermon sur la montagne. Le sermon sur la montagne, c’est un passage qui
fait partie de l’ADN du christianisme. C’est le résumé, par Jésus lui-même, de
la religion chrétienne. Cela fait environ 8 pages. C’est un passage
merveilleux, qui va des béatitudes au notre père, en passant par l’amour des
ennemis. Lisez-le ! C’est un passage merveilleux qui met les larmes aux
yeux. Et bien, voilà nous dit Rowling, la première clé de lecture de Harry
Potter : la richesse de cœur.
Et la seconde phrase est gravée sur la tombe des parents de
Harry Potter. « le dernier ennemi qui sera détruit c'est la mort ». De
fait, toute la série tourne autour de la mort, comment s’y préparer, comment la
combattre. Et bien, cette phrase vient de saint Paul. 1 Corinthiens
15 :26. Pour lui, la mort est l’arme que le diable utilise pour nous
angoisser. En mourant sur la croix, Jésus a vaincu la mort. Mais cette victoire
est encore cachée vous dit saint Paul. Elle deviendra manifeste lors de la
résurrection de la chair. C’est donc une phrase qui annonce la fin du monde. Et
avec ces deux phrases, nous avons nos deux clés de lecture de Harry Potter.
Avant de vous dire au revoir frère Paul Adrien, je
rappelle à nos auditeurs que cette rubrique est disponible sur votre chaîne
YouTube. La suite demain !
La passion de Harry Potter
Et nous continuons notre chronique avec un regard
chrétien porté sur … le monde d’Harry Potter ! Théologie et pop corn,
c’est maintenant et vous retrouvez le frère Paul Adrien.
Je commence avec une question : à partir de quand
avez-vous reconnu l’évangile dans le dénouement de la saga ? Pourtant, il
est là ! Je vous cite Rowling, l’auteur : « Les parallèles
religieux m'ont toujours paru évidents. Si je n'ai jamais voulu en parler trop
ouvertement c’est parce que je pensais que ça aurait pu révéler le fin mot de
l'histoire. »
Alors ?Avez-vous reconnu l’évangile dans Harry Potter ?
Non ? et bien reprenons notre évangile et spoilons la saga. Vers la fin de
l’histoire, Harry Potter décide de sacrifier sa vie pour sauver ses amis. Il va
dans la forêt interdite en laissant derrière lui ses amis. Toujours rien ?
et bien, c’est l’agonie de Jésus au mont des oliviers qui prie en s’éloignant
de ses disciples. Cela vous semble tiré par les cheveux ? Attendez la suite. Harry
utilise la pierre de résurrection pour se donner du courage. Et l’âme de ses
proches viennent le réconforter. Oh Oh ! Je cite Luc 22, 43 : du
ciel, un ange apparut à Jésus qui le réconfortait. Continuons. Harry Potter, le
maître de la mort, se livre sans défense au pouvoir du mal, dans une scène qui
rappelle l’Ecce Homo. Voldemort, le diable, le tue. C’est la croix. Mais, en
fait, c’est Voldemort qui est atteint par sa propre malédiction. C’est exactement
le mécanisme de la rédemption chrétienne. Alors, dans sa tête, Harry Potter
ressuscite : il se voit dans un lieu de lumière qui peut l’amener au
paradis ou le ramener sur terre. C’est Jésus qui séjourne aux enfers. Harry
voit Dumbledore qui lui révèle le secret de toutes choses. C’est le jugement à
venir. A côté de lui, une partie de l’âme de Voldemort représentée par un
avorton en sang que l’on ne peut plus sauver. C’est la damnation éternelle. D’ailleurs
ce lieu de lumière est une station de métro : « King’s cross station ».
« La croix du roi ». Il s’agit
d’un carrefour créé au temps du roi Georges IV, mais comment ne pas faire le
parallèle avec la vraie croix du vrai roi. Puis Voldemort torture le corps de
Harry. C’est une image de la passion. Certes, Voldemort torture un corps après
l’avoir tué. Dans l’évangile c’est l’inverse. Mais je vous rappelle qu’il s’agit
d’une saga pour enfant. Inutile de les effrayer. De toute façon, le corps de
Harry Potter ressuscité ne ressent plus aucune douleur. Ce qu’on appelle les
corps glorieux. Alors Hagrid, prend Harry Potter qu’il croit mort dans ses
bras, et le ramène pour être enterré. C’est la piéta, la descente de la croix avec
la vierge, Marie étant remplacé par Hagrid.
Alors, convaincue ? Peut-être pas dans les détails, mais
il y a une telle accumulation d’allusions que l’on finit par comprendre ce que
voulait Rowling : oui, les parallèles religieux entre Harry et l’évangile sont
évidents. Et maintenant que nous avons dit que c’était évident, nous allons
faire l’inverse demain. Je vous laisse donc avec une question : quelle serait
la première objection que l’on pourrait formuler pour dire qu’Harry Potter n’est
pas une saga chrétienne ?
Et bien qui l’eût cru ? Merci frère Paul Adrien pour
ce regard chrétien porté sur Harry Potter. Nous vous retrouvons demain pour la
suite de l’épisode.
Un livre de sorcellerie
Harry Potter, un film chrétien ? même s’il est
question de sorcellerie ? C’est le frère Paul Adrien pour un nouvel
épisode de théologie et pop corn.
La première réaction de beaucoup de chrétiens quand on leur
parle d’Harry Potter est de dire que c’est un livre païen plein de magie et de
sorcellerie. Evidemment, dit comme cela, il est difficile de voir dans Harry
Potter une saga chrétienne. Citation d’un évangélique : « Le monde de
Harry prétend que boire le sang d'animaux morts donne du pouvoir, qu'un
sacrifice humain apporte une nouvelle vie, que la possession par les démons
n'est pas dangereuse, spirituellement, et que le fait de passer à travers le
feu, contacter les morts, dialoguer avec les fantômes et les esprits est normal
et acceptable. »
Si les églises évangéliques ont été virulentes à dénoncer
Harry Potter, l’église catholique, elle, est beaucoup plus nuancée. D’un côté,
il y a le pape Benoît XVI, alors cardinal Ratzinger. Il écrivait à propos
de Harry Potter : « il s'agit de tromperies subtiles qui pourraient passer
inaperçues et par là même pervertir profondément le christianisme dans l'âme
avant qu'il puisse y croître correctement. » Mais au même moment, la
conférence de évêques américains intégrait le Prisonnier d’Azkaban parmi les dix
meilleurs films familiaux de l’année 2004. Et l’Osservatore Romano, le journal
officiel du Vatican a un avis plutôt positif sur la saga.
Alors un livre de magie ? Donnons la parole à l’accusé.
Voici ce que dit Rowling : « Je n'ai absolument pas créé cette histoire
pour encourager les enfants à pratiquer la sorcellerie. J'en ris un peu parce
que, pour moi, cette idée est absurde. J'ai rencontré des milliers d'enfants et
pas une seule fois un enfant n'est venu à moi pour me dire : “Madame Rowling,
je suis content d'avoir lu ces livres parce que maintenant je sais que je veux
être une sorcière” » Et je dois dire que, là, elle marque un point. Je
m’explique. La magie, dans Harry Potter, est présentée comme un fait brut, sans
aucune justification. Ou, plus exactement, la magie n’a qu’une justification
interne, c’est-à-dire un effort pour rendre cohérent la magie avec l’univers fictif
de la saga. Mais il y n’y a aucune justification externe : la magie ne se
rattache à rien dans la réalité, ni même à une école de pensée philosophique ou
religieuse. Cette magie vient de nulle part. On est dans le monde de la fiction,
pas dans la réalité. L’usage de latin de cuisine et de calembours grotesques accentue
l’aspect fictif. C’est une différence avec Star Wars. Prenez Star War. Dans
cette autre saga, chaque épisode tente de justifier la force des Jedi, de la
rattacher à la réalité, de brouiller les frontières entre fiction et vie
réelle. La force paraît presque crédible. Cela paraît plus ambigüe et je suis
sûr que certaines personnes essayent de devenir jedi. Mais alors, si on ne peut
pas dire que Harry Potter soit un livre de sorcellerie, pourquoi peut-on dire
que, par certains aspects, Harry Potter n’est pas chrétien ?
Merci frère Paul Adrien. Nous vous retrouvons demain pour
le dernier épisode de cette chronique hebdomadaire consacrée cette semaine à
Harry Potter.
Un livre peu chrétien
Dernier épisode sur Harry Potter. Théologie et pop corn,
c’est maintenant sur RCF Nancy Lorraine.
D’un point de vue chrétien, ce n’est pas l’accusation de
sorcellerie qui m’a embêté dans Harry Potter. Non ce qui m’a embêté, c’est une
déclaration de Rowling, son auteur, à propos d’Albus Dumbledore. Albus
Dumbledore, le sage directeur de l’école Poudlard, le magicien hors pair, le
conseiller des princes et des ministres, l’éducateur pénétrant les âmes, le
héros à la sainteté bienveillante, Albus Dumbledore, enfin quoi ! Et bien,
Rowling a déclaré dans une interview qu’il était homosexuel.
Et je m’interroge : Mais pourquoi est-on obligé de tout
dire ? L’homosexualité de Dumbledore est censée expliquer a posteriori son
attirance pour Grinewald, un mage à la réputation sulfureuse. Et cela me
chagrine. Oui, et pour deux raisons. D’abord, c’est une explication que je
trouve au ras des pâquerettes. Cela revient à dénier au mal le pouvoir de nous
attirer parce qu’il est mal, c’est refuser d’admettre la fascination que
certains êtres maléfiques peuvent exercer sur nous par leur aura, leur charisme
et leur ambiguïté. A la place, Rowling vous propose un petit mécanisme hormonal.
Il n’y a pas de profondeur là-dedans. On passe de Baudelaire et les fleurs du
mal à Twilight et à ses émois adolescents. Bof. Ensuite, je ne comprends pas l’intérêt
de donner une sexualité contestable à un héros de la littérature pour jeunesse.
Une certaine pédagogie veut que l’on ne dise pas tout tout de suite à toute le
monde, pour éviter que les repères ne se brouillent dans la tête des enfants
que l’on essaye d’éduquer.
Bref. Passons. Car, il y a autre chose qui me chagrine dans le
le monde d’Harry Potter. Pour le dire simplement, il me fait penser à un
christianisme séculier : on y parle beaucoup d’amour mais sans aucune véritable
transcendance. Je ne prendrai qu’un seul exemple, mais il est significatif.
Après le duel avec Voldemort, la saga s’achève sur Harry Potter vingt ans après.
On le voit avec sa femme Ginny, qui vient accompagner ses enfants à la gare. Tout
est bien qui finit bien. Et cet épilogue sert à nous faire comprendre une
chose : Avant Voldemort ; après Voldemort, c’est la même chose. Rien
n’a changé dans le monde d’Harry Potter. Ce sont les mêmes hommes, la même
magie, les mêmes institutions. Alors quoi ? quel est le problème ? Et
bien, le monde d’Harry Potter est un monde qui n’a pas besoin d’être sauvé. Il
vit replié sur lui-même. Voldemort n’aura été qu’un cauchemar. Un drame car il
y a eu des morts. Mais pas une tragédie. Car toute cette histoire n’était qu’un
mauvais rêve, une parenthèse dû à un individu dégénéré, que l’on aura vite fait
d’oublier. Il n’y a pas d’aspiration dans cette saga à un autre monde. Il n’y a
pas de véritable destinée. A la fin du film, retour à la case départ. Seul
l’amour est sacré dans Harry Potter, mais est-ce que cela suffit pour donner
des ailes à cette saga ?
Fin de la chronique pour cette semaine. Lundi prochain,
nous reprendrons sur un thème plus catéchétique. En attendant, si vous avez
manqué un épisode de cette chronique sur Harry Potter, vous pouvez le retrouver
sur la chaîne YouTube du frère Paul Adrien.
Et peut-on savoir en quoi la sexualité de Dumbledore est-elle contestable ? Parce qu'il est pédé ? C'est ça ?
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