La doxologie : commentaire sur le gloire au Père
1 La doxologie, amen et siècle
Nous continuons notre chronique avec le frère Paul Adrien d’Hardemare.
frère Paul Adrien d’Hardemare, vous êtes dominicains, et vous avez choisi de
nous parler cette semaine de la doxologie. Mais la doxologie, c’est quoi au
juste ?
On appelle doxologie une prière qui rend gloire à Dieu. Doxa, en grec, la
gloire. C’est d’ailleurs pour cela que nous allons en parler, car c’est
probablement ainsi que vous ponctuez vos prières sans même le savoir. Oui, le
mot vous est peut être inconnu mais je suis prêt à parier que vous connaissez
au moins deux doxologies : la grande et la petite. La grande, vous la récitez
pendant la messe. C’est le gloria : Gloire à Dieu au plus au des cieux. Et la
petite doxologie, vous la connaissez aussi. C’est ce qu’on dit à la fin des
dizaines de chapelet. Gloire au Père, et au Fils et au Saint Esprit, dans les
siècles des siècles, amen. Et c’est sur dernière que nous allons réfléchir
ensemble.
On commence par quelque chose de facile. A quelle langue appartient le mot
“amen” ? Vous avez répondu hébreu ? Bravo. C’est une formule de foi. Quelque
chose comme, “j’y crois” ou bien “c’est vrai”. On l’a traduit en grec par genoito,
fiat en latin, qui a donné “ainsi soit-il”. Jésus utilise ce mot amen
pour introduire ses phrases chocs. Exemple : Amen, amen, je vous le dis, il est
plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche
d’entrer au ciel”. Les juifs voient dans le mot amen l’abréviation de ’El
melekh ne’eman. Désolé pour la prononciation. “Dieu, Roi en Qui l'on place sa
confiance”. A vrai dire, ce mot amen est tellement populaire qu’on ne le
traduit plus.
Plus difficile. Gloire au Père, et au Fils et au Saint Esprit, dans les
siècles des siècles. Que veut dire le mot “siècle” ? Evidemment, maintenant que
je vous ai avertis, vous hésitez. Et vous avez raison, car il y a une
hésitation. Siècle traduit le mot latin saeculum, mot qui signifie
d’abord saison, puis par extension progressive, génération. On pourrait donc
dire aussi “Gloire à Dieu de générations en générations”. Mais, pour les
anciens Étrusques, siècle signifiait aussi l’espérance de vie maximale d’une
génération. C’est ainsi que le mot en est venu à signifier non plus 30 mais 100
ans. L’expression “dans les siècles des siècles” est quant à elle une simple
tournure hébraïque, une tournure biblique qui signifie “pour toujours”. On dit
parfois encore : Gloire au Père, et au Fils et au Saint Esprit, comme il était
au commencement, maintenant et toujours. comme il était au commencement: le
passé, maintenant : le présent et toujours : le futur. Ou encore Gloire au
Père, et au Fils et au Saint Esprit, au Dieu qui est, qui était et qui vient.
Cette dernière formule vient de l’Apocalypse. Je cite : Moi, je suis l’Alpha et
l’Oméga, dit le Seigneur Dieu, Celui qui est, qui était et qui vient, le
Souverain de l’univers. Bref, l’histoire toute entière qui rend gloire à
Dieu.
Merci pour ce rappel sur le vocabulaire de la prière. Nous entrons demain
dans le vif du sujet avec le mot de gloire. Vous pouvez aussi retrouvez
l’intégralité de cette chronique sur la page youtube du frère Paul Adrien
2 Rendre gloire
Nous continuons notre chronique sur la doxologie, cette prière qui consiste
à dire “Gloire au Père, et au Fils et au Saint Esprit, dans les siècles des
siècles, amen”. Frère Paul Adrien d’Hardemare, vous voulez nous parler
aujourd’hui de la gloire.
Nous passons au mot de gloire. Ce mot paraît simple mais il m’a fallu de
nombreuses années pour bien le comprendre. Par exemple, en Hébreu, la gloire se
dit kabod, ce qui signifie le poids. La gloire de quelqu’un c’est son
poids dans la Bible. Et j’avoue que j’ai mis longtemps à comprendre le rapport.
Je m’imaginais sur une balance en train de me peser. Mais quel rapport le poids
a-t-il avec la gloire de Dieu, me demandé-je, en m’imaginant sur une balance ?
Alors, avant que tout le monde ne s’imagine sur une balance en train de se
peser, je vous donne l’expression qui m’a éclairé. Cette expression est la
suivante : quelqu’un a de l’importance, quand il pèse. Quand quelqu’un pèse
dans des décisions, quand quelqu’un pèse dans le monde, il a de l’importance et
la Bible dit qu’il est glorieux. Si vous êtes marié, la personne la plus
glorieuse pour vous, c’est votre conjoint car c’est lui qui pèse le plus dans
votre vie.
Bien. Passons au grec : la gloire se dit doxa avec le sens de réputation,
honneur, renommée. Cela explique le mot doxologie. Doxa, la gloire. Logos, la
parole. Littéralement, la doxologie c’est dire la gloire de quelqu’un. Mais
voici une autre interrogation qui m’a longtemps turlupiné dans mes lectures de
la Bible. Pour nous, la gloire, la gloire de Dieu en particulier, est associée
à la lumière. Quelque chose est glorieux quand il est lumineux. C’est même
devenu un terme scientifique. On parle en optique de la gloire d’un objet quand
il est entouré d’un halo lumineux. On parle encore d’un ciel en gloire quand le
soleil embrase les nuages et les transperce de sa lumière. Et c’est ainsi que
nous disons que Dieu est glorieux. Mais quel rapport entre la lumière et la
gloire ? Et bien, c’est en passant par le latin que j’ai fini par comprendre.
Alors écoutez. Vous êtes peut-être en train de préparer votre cuisine, et je
vous offre l’occasion de briller au cours du repas, d’être glorifié par vos
proches. Je récapitule pour vous le vocabulaire de la gloire : kabod en hébreu,
le poids, doxa en grec, la renommée, gloria en latin. Mais c’est quoi la gloria
? Voici la définition de saint Augustin : clara notitia cum laude.
Aïe, c’est un peu plus dur à retenir. Je répète : clara notitia cum laude. Et
je traduis : la gloire, c’est la connaissance claire clara notitia de
quelque chose accompagnée de louange cum laude. C’est cette définition
qui m’a fait comprendre pourquoi quelque chose de glorieux est lumineux. Il est
glorieux, car il est lumineux à nos yeux. Quelqu’un est glorieux quand sa
perfection est tellement évidente qu’elle nous saute aux yeux. Et cette
connaissance lumineuse qui nous saute aux yeux clara notitia est telle
qu’elle entraîne notre louange cum laude. Parce que, quand on admire
quelque chose, sa beauté nous arrache un cri d’admiration. Et ce cri
d’admiration, c’est rendre gloire. C’est la doxologie : Rendre gloire à
Dieu.
Et bien, la suite au prochain épisode. Vous nous avez expliqué aujourd’hui
le mot de gloire. Vous nous direz direz demain pourquoi ce mot vous semble
tellement important.
3 La gloire et la grâce
Nous continuons notre chronique sur la doxologie, cette prière qui consiste
à dire “Gloire au Père, et au Fils et au Saint Esprit, dans les siècles des
siècles, amen”. Frère Paul Adrien d’Hardemare, vous voulez nous parler
aujourd’hui du sens de notre vie.
Dernier point sur la doxologie. Commençons par un cache cache. Dans cette
prière de doxologie, il y a de caché le sens de votre vie. L’aviez-vous vu ? Si
vous ne l’aviez pas vu, c’est peut être que vous ne connaissez pas le sens de
votre vie... Quel est le sens votre vie d’ailleurs ? Si vous ne savez pas, pas
de panique. C’est une question difficile. Mais un des charmes de la théologie,
c’est qu’elle est parfois capable de donner des réponses simples à des
questions compliquées. En bonne vieille théologie, on dit que la vie humaine a
un sens et que le sens de la vie, c’est de voir Dieu. Mettez cela dans un coin
de votre tête. Si un jour votre enfant vous demande, au fait, c’est quoi le
sens de ma vie ? qu’est-ce que je fais sur terre ? Vous pourrez lui dire : “mon
bonhomme, le sens de ta vie, c’est voir Dieu. Et le voir, pas n’importe
comment, mais le voir dans sa gloire.” Voir Dieu dans sa gloire, c’est être
saisi d’admiration par ce qu’il est, une admiration telle que le temps se fige
soudain dans l’éternité et dans le bonheur de la contemplation. Des étoiles
pleins les yeux. Ce qu’on appelle le ciel. Et c’est exactement ce que vous
décrit la doxologie “Gloire au Père et au Fils et au Saint Esprit Maintenant et
pour les siècles des siècles”.
La doxologie, c’est au ciel avoir plein d’étoiles dans les yeux. Et voilà
le sens de votre vie. Saint Irénée de Lyon résume ceci en une phrase : “La vie
de l’homme, c’est la gloire de Dieu et la gloire de Dieu c’est la vie de
l’homme”. Et dans la Bible, il y a un homme qui y est presque arrivé. Moïse en
haut du mont Sinaï, s’approche du ciel, il reçoit les 10 commandements de Dieu,
et il dit : « Je t’en prie, laisse-moi contempler ta gloire. » Alors le
Seigneur dit à Moïse : « Je vais passer devant toi avec toute ma splendeur, et
je proclamerai devant toi mon nom qui est : LE SEIGNEUR. Car je fais grâce à
qui je veux, je montre ma tendresse à qui je veux. » “Je fais grâce à qui je
veux”. Moïse veut rendre gloire à Dieu et Dieu répond en donnant sa grâce. La
grâce est le début de la gloire. On dit parfois que si la gloire est le soleil
en son plein midi, la grâce est comme l’aurore.
Pourquoi je vous dis ceci ? Parfois le sens de notre vie n’est pas évident.
Parfois, la gloire de Dieu nous échappe. C’est normal, cette évidence est
prévue au programme, mais pour plus tard. Au ciel. Sur terre, le sens de votre
vie n’est pas le plein soleil, c’est une toute petite lumière cachée au fond de
votre âme. Ce qu’on appelle la grâce, la présence de Dieu dans votre âme et dont
vous a peut-être déjà eu le pressentiment. C’est cette grâce qui nous fait
petit à petit entrer dans la gloire de Dieu, dans la doxologie. Pour l’instant,
notre doxologie est en chantier. Et c’est une grâce.
Merci pour frère Paul Adrien sur cette réflexion sur le sens de notre vie.
Nous vous retrouvons demain pour continuer sur le même thème. Vous pouvez aussi
retrouvez l’intégralité de cette chronique sur la page youtube du frère Paul
Adrien
4 La doxologie intra trinitaire
Nous continuons notre chronique sur la doxologie. Dernière rencontre
aujourd’hui. Frère Paul Adrien d’Hardemare à vous la parole.
Nous terminons en parlant de la Trinité. Je redis la formule doxologique
pour que tout le monde se rappelle bien : Gloire au Père, et au Fils et au
Saint Esprit, dans les siècles des siècles, amen. Nous avons expliqué les mots
de “amen”, de “siècles” et de “gloire”, mais nous n’avons pas encore parlé de
la Trinité. Or, le saviez-vous, notre doxologie était plus courte à l’origine
et l’on disait simplement : “Gloire à Dieu le Père dans les siècles des
siècles”. Oui, mais voilà, au IVe siècle, il y a eu une hérésie qui a
traumatisé l’Eglise. On l’appelle l’arianisme, du nom d’un méchant moine :
Arius. Pour Arius, le Père était un dieu de première catégorie, et le Fils un
simple dieu de seconde catégorie. Pour éviter que l’hérésie ne s’étende, on a
transformé la doxologie en catéchèse. On a dit : “Gloire au Père et au Fils
dans les siècles des siècles”. Et le mot important est devenu ce tout petit mot
de “et”. Gloire au Père et au Fils. Car il nous rappelle que le Fils est autant
Dieu que le Père, et qu’ils partagent une même gloire. Jamais deux sans trois,
on a fini par rajouter “Gloire au Père, et au Fils et au Saint Esprit”. Et l’on
a obtenu la Trinité. Fin de l’histoire ? non pas encore...
Car des siècles plus tard, les théologiens se sont aperçus que cette
formule nous obligeait à distinguer en Dieu la gloire interne et la gloire
externe. Ca y est, vous êtes en train de faire la cuisine et vous êtes en train
de décrocher. Attendez un peu, en fait, c’est tout simple. Regardez votre purée
en train de mijoter, avec sa crême fraiche et son gruyère. Hmmm, ce qu’elle
paraît bonne. Le fait de trouver votre purée bonne est une manière de lui
rendre gloire. Mais ce n’est pas la même chose de savoir que votre purée est
bonne parce qu’elle sent bon (c’est la gloire externe) ou de le savoir parce
que vous êtes en train de la goûter et d’en apprécier de l’intérieur son
onctuosité (c’est la gloire interne). En Dieu, c’est la même chose : on peut
admirer Dieu de l’extérieur dans la beauté de la création et dans la charité
des élus. On peut aussi admirer Dieu de l’intérieur. Et entre ces deux manières
de rendre gloire il y a un abîme.
Mais comment faire pour glorifier Dieu de l’intérieur, pour l’admirer dans
toute la transcendance de son être ? Pour cela, il nous faut plonger dans la
Trinité. Parce que la gloire interne de Dieu, c’est la gloire que le Père a
pour son Fils en qui il voit sa parfaite image, et c’est la gloire que le Père
et le Fils ont pour l’Esprit Saint en qui ils reconnaissent le rayonnement de
leur propre amour. C’est le stade ultime de la doxologie : la doxologie de la
Trinité par la Trinité dans la Trinité. Et pour montrer comment nous sommes
appelés à vivre de cette gloire, on dit parfois : Gloire au Père par le Fils
dans l’Esprit, pour les siècles des siècles, amen. Et en plus, cette dernière
formule vous fera un bon bénédicité avant de manger votre purée ! Bon appétit !
Merci pour frère Paul Adrien sur cette réflexion sur la doxologie. Nous
vous retrouvons la semaine prochaine pour un nouvel épisode de “Théologie et
pop corn”. Vous pouvez aussi retrouvez l’intégralité de cette chronique sur la
page youtube du frère Paul Adrien
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